aquarelle humide

Dans la continuité du dernier cours, je voudrais que nous travaillions aujourd’hui l’aquarelle mi-humide, mi-sec.

humidité de la feuille  :

Il s’agit de mesurer le degré d’humidité de la feuille. La feuille de papier 300g/m² (20×30 environ) doit être passée sous le robinet de chaque côté avant d’être posée délicatement sur une planche de bois.
Cela lui permettra d’adhérer au support sans gondoler et sans avoir été abîmée par le pinceau ou l’éponge qui aurait été frottés sur elle. La feuille est alors très fragile.

temps de travail

il faut mesurer le moment où l’intervention est souhaitable

  • trop tôt, l’aquarelle va se diffuserait dans un papier trop humide
  • trop trad, elle serait trop marquée dans un paysage par ailleurs évanescent

problèmes éventuels

  • le papier se détruit à force d’avoir été travaillé : dès que vous voyez apparaître des petits points sombres, cela montre que des fibres se décollent, il faut arrêter et laisser le papier reposer.
  • des auréoles se forment : cela montre que des surfaces sont plus humides que d’autres. le séchage doit être uniforme. Les endroits où il y a trop d’eau doivent être « pompés » avec la pointe du pinceau vidé de son eau.
  • les formes semblent contournée d’un trait plus sombre d’aquarelle : vous hésitez trop à dessiner vos motifs. Plus ils seront faits du premier geste, plus l’aquarelle sera lumineuse. Si vous modifiez sans cesse votre dessin, cela pousse les pigments en suspension dans l’aquarelle sur les bord de la forme que vous dessinez.
  • le papier ne sèche pas : cela est du au support sur lequel vous avez posé la feuille humide. vous pouvez prendre délicatement la feuille humide et la poser sur un torchon qui va peu à peu absorber l’excès d’humidité.

vague perdue dans le ciel

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Turner. « storm at sea ». 1820-30. Tate

nous allons prendre l’exemple d’une aquarelle de Turner. Comme souvent, il travaille sur toute sa feuille comme je l’ai décrit ci-dessus. Certaines parties sont humides pendant que d’autres sont en cours de séchage. Il ne faut pas cependant que l’écart d’humidité soit trop important, sinon des auréoles apparaîtront entre les parties humides et sèches.

Turner a commencé par le ciel qui semble passer sous les tons de la vague plus sombre. Comme on peut le voir, il a laissé des réserves au niveau du nuage à gauche, et surtout sur la partie basse de la feuille :
pendant cette phase de travail, la partie basse du dessin est vierge et vous pouvez travailler le nuage comme la semaine dernière. Je vous conseille d’absorber un peu de couleur à gauche pour créer le nuage (des parties semblent sèches), puis d’absorber les traits verticaux plus clairs à droite au dessus de la vague et de son écume, avec le pinceau vidé entre vos doigts (comme la pluie que nous avions crée en fin de séance la semaine dernière)
Toute la difficulté est de faire se détacher l’écume sur le plan du ciel (le ciel sèche à droite à l’horizon), tout en limitant la rupture de la vague à gauche. Il faut absolument que le ciel ne se marque pas sur la gauche du dessin : l’horizon ne doit pas se détacher du ciel. Pour ce faire, il faut créer un dégradé au niveau de l’horizon et éviter qu’il ne sèche.

Vous allez pouvoir ajouter la vague et ses tons gris sur la gauche, sans la laisser cependant se disperser sur la droite. Chez Turner, ce gris s’est un peu étendu au dessus de l’écume sur la droite, ce qui permet une liaison entre le ciel et la vague.

vague perdue dans un arrière plan

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

vague avec l’arrière-plan de la côte

Nous allons appliquer cette façon de faire sur cette photographie. Cette vague se détache très nettement à gauche et moins à droite, ce que nous chercherons à accentuer encore pour rendre la vague plus dynamique.il faut donc que l’écume se détache sur l’arrière plan mais pas à droite.
Comme ci-dessus, je vous conseille de décomposer le travail :

    •  travail de l’arrière plan : le ciel, la mer et la montage sont traités ensemble tout en préservant le bas du dessin à gauche. à droite, le papier peut être humide jusqu’en bas.
    •  à gauche, si vous voulez, vous pouvez assombrir les rochers qui sont juste derrière elle, mais il ne faut pas trop les marquer de façon à préserver la légèreté de l’écume.
    •  sur la droite en bas, la vague doit être superposée dans l’humide en rajoutant de la couleur pour rendre la profondeur du rouleau et préserver en haut du rouleau un peu d’écume.

<

aquarelle réalisée dans la continuité des ciels du dernier cours sur les ciels

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Catherine Perrot

L’ensemble est très beau, et le ciel bien relié au plan horizontal de la mer, mais attention aux auréoles dans les nuages, qui sont dues à des flaques d’eau qui restent humides alors que d’autres sont déjà sèches. Si on veut les éviter, il faut pomper avec la pinte d’un pinceau seulement humide (mais sans eau), jusqu’à limiter cet écart de séchage.
 
 
 
 

 
 
 

aquarelle réalisée d’après la vague de Turner

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Sphie Tourrade

L’aquarelle montre une rupture trop forte entre les trois plans ciel, vague et sol terre (sauf sur la gauche), par contre les couleurs réagissent très bien : le papier n’a pas souffert d’un travail trop soutenu du pinceau. La couleur est très lumineuse. le haut de la vague me paraît TB.

 

 

 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Simone

Les auréoles sont dues, comme je l’ai dit plus haut, à un excés d’eau dans certaines parties du dessin. Cet excès a un autre effet que l’on peut constater ici : la couleur semble disparaître à mesure qu’elle est posée sur la feuille. En effet, elle se disperse dans l’eau. Il faut que le papier soit un peu plus sec. La difficulté techniqu est de maintenir le papier mi-sec mi-humide, somme cela semble le cas sur la vague qui commençait à apparaître en haut à gauche.
 

 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Catherine Vidal

Le contraste entre le ciel qui a séché avant d’être recouvert par la vague crée deux plans qui, avec le bas plus sombre et terre-verte donne une grande beauté. Mais on peut regretter une composition trop concentrée sur le cercle clair (ne faudrait-il pas un autre centre plus faible?) et certaines zones du papier travaillée trop longtemps, ce qui rend les couleurs moins lumineuses.

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Sylvie

Cette aquarelle est très belle. Le cercle blanc à gauche rentre ici en dialogue avec le bas droite de la vague claire. le haut de la vague plus sombre qui se détache sur le ciel bleu isole la vague inquiétante. Et en plus cela pourrait correspondre à ce que nous vivons actuellement, au fond d’un tunnel où certains souffrent, je crois d’une grande solitude. Je vais la rajouter aux réponses du COVID19.
 

 

aquarelle réalisée d’après la photo de vague avec arrière plan

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Mercedes 2

L’ensemble est assez beau mais la vague reste assez abstraite : comme dans ta première aquarelle, tu laisses sans doute trop d’eau. La couleur ne peut rester sur la feuille et semble ainsi disparaître. Le rouleau est visible à gauche en se détachant devant le rocher sombre, mais à droite, sans doute avais-tu laissé trop d’eau.

 

 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Catherine Perrot

L’ensemble est assez réussi, mais un peu trop marqué, me semble-t-il. les contrastes sont trop uniformément forts. il aurait fallu choisir de montrer autant la vague par exemple, qui est assez belle, mais dans ce cas, de rendre le rocher et la montagne plus légers. Sur la vague, l’écume aurait pu être plus lumineuse (la papier a sans doute été travaillé trop longtemps).

 

 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Sylvie vague1

Comme dans l’aquarelle de Catherine ci-dessus, le choix entre la montagne, la vague et le rocher à gauche me semble ne pas avoir été fait. Notre œil ne sait où regarder. J’exagère un peu, car la vague est très belle et attire immédiatement notre regard. Mais le contour à droite au dessus du rouleau s’est marqué par un excès d’eau, et attire trop notre regard. Le dessin est un jeu de forces. Notre regard ne peut être sollicité à la fois par les couleurs superbes du rouleau et ce contraste fort juste à sa droite. Ou dans ce cas, il aurait fallu encore plus oublier les montagnes pour reposer notre œil.
C’est très beau néanmoins.
 

 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Sylvie Vague2

Cette seconde version est encore plus belle. Tu as sans doute perdu la légéreté de l’écume du rouleau, mais combien la force est donnée à l’ensemble par la disparition de la montagne dans le fond. C’est superbe.
 

 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Annick « Vague » aquarelle

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Annick « vagues » pastel sec

j’ajoute aussi deux vagues qui m’arrivent maintenant. L’aquarelle présente les mêmes problèmes que certains ont rencontrés (cf. ci-dessus), avec les auréoles à droite, et le manque de légèreté de l’écume du rouleau. Néanmoins, on peut mesurer la qualité de la réponse d’Annick. Sans doute a-t-elle vu ce que je viens de dire, car elle a assombri le creux de la vague plus que de raison, pour que la lumière de l’écume en ressorte davantage par contraste. Ceci me permet de souligner combien le travail à l’aquarelle est difficile : il faut toujours réagir à ce qui arrive sur la feuille. On n’obtient jamais exactement ce qu’on veut. Annick a assombri le rouleau et la lumière rejaillit sur le reste du dessin. Cela est comparable au travail de Soulages qui assombrit ses toiles pour mieux nous faire sentir la lumière qui en émane. L’art de travailler par contraste est intemporel et extrêmement fort.
Annick semble ne pas avoir été satisfaite tout à fait de son aquarelle : la composition est sans doute trop centrée et le blanc en bas et en haut encadrent trop le rouleau. Elle a réalisé aussi ce pastel.

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Marie-Hélène BOUVIER-COLLE

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Marie-Hélène BOUVIER-COLLE

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Mireille Devals


 
 
 
 
 
 
 
 
Les deux aquarelles sont les premières que Marie-Hélène fait dans l’humide.  
On mesure les difficultés rencontrées dans la première. Les contours ont séché trop vite et se sont marqués. Pour lutter contre ce problème, il faut travailler avec deux pinceaux. Un permet de mettre la couleur. Elle diffuse au fur et à mesure, mais aurait tendance à partir sur les bords de la tache et donc à les rendre trop visibles. Le second pinceaux est légèrement humide, moins que la tache, et sert à « pomper » le surplus de la tache. Il faut pomper ces bords au fur et à mesure qu’ils apparaissent, et au besoin agrandir la tache un peu avec une légère humidité. Cela produit un dégradé vers l’extérieur de la tache.
Dans ce type de travail technique, chaque tache aura des contours net là où il doit y avoir une rupture de plan, comme par exemple l’endroit où l’écume du rouleau retombe devant le creux du rouleau, mais doit avoir aussi un dégradé pour la lier avec les autres motifs, comme ici entre le dessous du rouleau et la partie horizontale de la vague.
 
Ce jeu entre des ruptures franches et d’autres plus dégradées est mieux maîtrisé sur la seconde aquarelle, mais cela semble du surtout à la rapidité du travail, comme si Marie-Hélène Bouvier savait désormais ce qui l’intéressait vraiment dans ce rouleau qui retombe.
 
 
 
l’aquarelle de Mireille est très belle dans la légèreté de la vague, qu’elle réussit à suggérer. Cela est rendu possible pas les réserves qu’elle a préservées dans la vague, juste au dessus de l’embarcation.
A cet endroit, l’écume se détache nettement sur le plan horizontal, ce qui suggère une rupture de plan, et le haut de la vague se relie très bien au reste du rouleau. Cela répond vraiment à ce que je disais de l’aquarelle de Marie-Hélène.
 
Par contre, je pense vraiment que la barque détruit cette poésie en voulant trop montrer. la barque aurait du rester davantage dans la suggestion. Ce problème est fréquent en aquarelle. Comment montrer sans écraser?

Je vous montre trois solutions différentes sur les trois aquarelles où Turner évoque lui aussi une embarcation perdue dans une mer mouvementée. Turner travaillait parfois à partir de vague taches qu’il faisait évoluer au fil de son travail, mais aussi parfois à partir de dessins extrêmement précis. Je vous donne le même conseil. Il faut d’abord comprendre la façon dont la barque se rattache à la vague avant de prétendre la peindre avec légéreté.

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Turner. « a paddle steamer in a storm. 1841


Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Turner. « Venise au coucher du soleil par temps d’orage »


Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Turner. nuages de pluie sur la mer. 1825


J’ai volontairement choisi trois façons de faire très différentes. Dans « a paddle steamer in a storm », Turner est très minutieux. à la proue du navire, on voit l’écume fendue par le navire. la fumée témoigne des machines lancées à plein régime et des aubes qui s’apprêtent à lutter contre le mauvais temps.
 
Dans la seconde, on ne distingue plus qu’à peine Venise (il a pompé l’aquarelle humide avec un pinceau légèrement humide pour faire revenir la lumière sur les tours), et les embarcations disparaissent dans les nuages. Turner à travaillé dans l’humide, même pour ces détails. Il faut travailler à l’instant juste, où le papier reste humide pour lier l’embarcation à la vague, mais est déjà assez sec pour montrer quelques précisions.
 
Et dans « Nuages de pluie sur la mer », cette homogénéité est plus grande encore. L’embarcation disparaît sans doute un peu, mais on ne voit que mieux la vague qui va bientôt la faire disparaître. Regardons comme elle se détache à droite avec le ciel mauve qui peint par dessus la vague restée en réserve, alors qu’à gauche, près de l’embarcation, elle se font dans les nuages.
 
  
 
 

 
 
 

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Annick « vagues » pastel sec

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Catherine Perrot

Ces deux aquarelles de Catherine sont très belles et permettent de mesurer encore le pouvoir de suggestion permis par l’aquarelle et l’importance des compétence technique que celle-ci impose. La première reste un peut lourde dans le sommet des vagues, trop cerné. Le trait vaguement vert bloque leur envol, et atténue le contraste avec le ciel sombre.
Sur la seconde, ce problème semble résolu. Quelques contrastes semblent un peu forts, mais cela insiste sans doute volontairement sur l’imminence du danger. Quelques blancs auraient pu être préservés, ce qui aurait permis de ne pas aller autant le noir.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

  • Archives

  • Catégories

  • Recherche