le traitement de l’espace chez Kawamata

  • Espaces privé/espaces publics. Transfert.

    (extraits de « domaines publics » de Brayer)

Brayer écrit que « la dualité espace privé/espace public se trouve anéantie par l’énergie rhizomatique » des interventions de  Kawamata : il creuse des passages, et manipule ainsi  le temps de perception de l’oeuvre. Comme dans les sculptures cinétique des années  1950 qu’on a pu voir l’année dernière à l’exposition Dynamo, l’architecture de Kawamata se transforme en architecture cinétique.Brayer ajoute :  » Supprimant les hiérarchies qu’instaure l’espace, au-delà du chiasme privé/public, K déclara que ses constructions sont du « bruit », une perturbation entropique, qui insuffle le  « désordre » dans l’ordonnance du construit. »

dans cet ouvrage, on trouve une analyse d’une ouevre importante de Kawamata  intitulée « transfert » et réalisée en 1994 à Saché :

"Transfert" (Saché-1993)

« Transfert » (Saché-1993)

 

K résida pendant 6 mois en 93 à l’atelier Calder à Saché, près de Tours. Ce séjour aboutit, au cours de l’automne 94, à la réalisation d’un projet inédit transfert, reliant le CCC de Tours à l’atelier Calder. Son projet au CCC est emblématique de l’ « inversion topologique » (Y-A Bois) qui caractérise sa démarche.  Le visiteur circulait dans les coursives du centre d’art, déambulant à la périphérie d’un container où étaient apparentes les caisses d’emballages des œuvres et quelques maquettes. A l’atelier Calder, une passerelle de planches en bois reliait à travers les frondaisons des arbres l’atelier au lieu de séjour. Cette passerelle, ponctuée de petits toits à pente recouverts d’ardoises, laissés dans un état d’inachèvement, suggérait que des habitats privés avaient pu se former dans ce lieu de circulation. Des plaques de bois blanc contre-plaqué mimaient une privacité laissée à l’état d’ébauche. A Nouveau, intérieur et extérieur, privé et public, perdaient de leur résonance antinomique. Ces « abris » sur la passerelle se dressaient en même temps comme des « huttes primitives », délaissées par leurs constructeurs. Architecture et organisme naturel confluaient dans ses habitats enchevêtrés aux branchages des arbres. »

(…)

 

Ce type de travail nous fait penser à Gordon Matta-Clark (1943-1978), artiste américain connu pour ses œuvres sur site spécifique réalisées dans les années 1970. Il est célèbre pour ses « coupes de bâtiment» une série de travaux dans des bâtiments abandonnés dans lesquels il a enlevé des morceaux de planchers, de plafonds, et de murs et notamment « Conical Intersection » que la biennale de Paris 1975 avait organisée : une percée architecturée dans le vif d’un immeuble rue Beaubourg.

conique Intersect (détail) de matta-clark.1975.

conique Intersect (détail)
de matta-clark.1975.

 

 

 

Il a développé ses théories de An-ARCHITECTURE – une architecture déconstructiviste considérablement physique.

mais, si on revient à Kawmata, Brayer ajoute « à la différence de Gordon Matta-Clark, le premier à développer ce parasitage de l’architecture dans les années 70, K ne cherche pas à contusionner l’espace, mais plutôt à déstabiliser ses paramètres à travers la surabondance de ses excroissances.  Empiriques, ses constructions brouillent le cadre d’inscription de nos repères spatiaux. A rebours de l’espace isotrope occidental, les constructions de K nouent espace privé et public pour en faire des espaces transitionnels. Au bout du compte, résolument « collectifs ».

il s’agit bien d’un véritable éclatement de l’espace.

 

Cela renvoie à la volonté d’ouvrir l’architecture au XX°, à gommer la frontière privé-public, comme dans

 

rietveld.-"villa schröder".-1924

rietveld.- »villa schröder ».-1924

 

 

 

 

Rieveld était proche du mouvement De Stijl et, comme dans la peinture de Mondrian, on participe à une ouverture de la peinture hors de son cadre. La composition n’est plus centrée sur un motif ou un sujet, mais s’ouvre sur l’espace qui l’entoure.

 

 "composition avec rouge jaune et bleu " de Mondrian en 1928

« composition avec rouge jaune et bleu  » de Mondrian en 1928

villa schröder. 1924

villa schröder. 1924

 

 

 

 

 

dans cette dernière photo de l’intérieur de la villa, on voit bien que le traitement de l’angle (l’armature en métal qui tient les vitres est le seul élément qui le matérialise) tend à faire disparaître toute frontière entre l’intérieur et l’extérieur du bâtiment.

 

wright "maison sur la cascade".1935

wright « maison sur la cascade ».1935

 

 

 

 

 

Wright dans la célèbre « maison sur la cascade » de 1935 utilise aussi des plans qui sortent du bâtiment comme des excroissances inutiles. Comme dans les tableaux de Mondrian, formes géométriques semblent à la fois être reliées au centre du bâtiment tout en montrant son ouverture sur l’extérieur. On ne sait plus ou est la limité entre l’espace privé de l’intérieur du bâtiment et l’espace public.

 

Mies van der rohe "pavillon de barcelone" 1929

Mies van der rohe « pavillon de barcelone » 1929

 

Mies van der Rohe, directeur pendant un temps du Bauhaus,  montre aussi  l’importance de cette réflexion pour toute l’architecture dite de style international.

Ce bâtiment construit pour une exposition internationale d’architecture n’avait pas de fonction particulière. L’architecte pouvait donc ouvrir véritablement l’espace privé sur l’extérieur.

 

 

 

 

 

 

pavillon de barcelone

pavillon de barcelone

 

 

 

 

dans la reconstitution récente du bâtiment à Barcelone, on peut néanmoins voir combien cette ouverture s’accompagne d’une réflexion sur la composition. Contrairement à Kawamata, Mies van der Rohe ne se contente pas d’ouvrir son espace et de privilégier les circulation, il construit son plan sur l’utilisation d’un module de base.

 

  • les déambulations  et nouveaux points de vue

K improvise toujours. Il est contre toute coercition. Cette attitude permet de montrer une autre façon de voir :

« les gens [ont la possibilité] de choisir de marcher sur mes constructions ou non ; il peuvent le faire, mais il peuvent aussi bien ne pas le faire. C’est la même chose avec un [sidewalk]. Les gens peuvent très bien passer à côté, mais s’ils marchent sur mes constructions, s’ils s’en servent, il se passe quelque chose de différent… ils font une expérience totalement nouvelle… j’ai mis en place une façon de bouger qui n’est pas dictée par les choses. »

Ainsi, les ponts franchissent des obstacles et réunissent des espaces auparavant séparés, ainsi les constructions sont souvent en hauteur pour offrir un nouveau point de vue sur les choses.

ses interventions appellent à une véritable expérience du lieu.

il en est de même par exemple dans les « tree huts » qu’il a réalisées sur plusieurs site,

tree hut au centre Pompidou en 2010

tree hut au centre Pompidou en 2010

tree hut

tree hut

tree hut au centre Pompidou en 2010

tree hut au centre Pompidou en 2010

 

 

 

 

 

 

 

tree hut au centre Pompidou en 2010

tree hut au centre Pompidou en 2010

 

 

 

 

Comme on le voit bien sur cette dernière photo, il ne s’agit pas ici de pouvoir aller dans cette cabane! Notre voyage ne peut être qu’imaginaire, mais n’est-ce pas le plus important de que l’artiste veut suggérer dans ses projets. Il éclate véritablement notre réflexion.

 

 

  • Voyage temporel

tree hut sur la place  Vendôme en 2013

tree hut sur la place Vendôme en 2013

 

 

comme sur la place Vendôme tout récemment pendant la FIAC 2013, comme si la cabane érigée à son sommet permettait de rêver un autre point de vue sur la ville.

On peut aussi se demander si le rêve de Kawamata ne permet pas de repenser l’histoire de la colonne. sa réalisation, décidée en 1800 par Bonaparte pour commémorer la bataille d’Austerlitz (les bas relief sont coulés dans le bronze des canons pris aux ennemis de l’empire), mais aussi se nourrit de l’idée du cosmopolitisme de Kant.  La colonne fut  abatue lors de la commune et son rétablissement fut voté en 1871 au frais de Courbet qui participa aux journées révolutionnaires.

On peut se demander si les tree huts de Kawamata ne suggèrent pas une prise de distance par rapport à totues ces représentations politiques.

 

 

destroyed  church 1987

destroyed church 1987

 

Pour la documenta VIII de 87, il redonne à une église en ruine depuis al guerre sa forme originelle par des madriers et parle de « l’épaisse couche du temps accumulé » qu’il voyait partout dans la vieille Europe, en contraste absolu avec les démolitions et constructions incessantes à Tokyo.

 

 

 

 

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Dans son « projekt begijnhof sint elisabeth » de 89-90, à Courtrai, il travaille avec des madriers sur le murs du couvent , comme s’il voulait les étayer : « cela nous rappelle  que le Beguinage n’a cessé d’être rénové tout au long de son existence, cet acte de construire mettant lui-même l’installation en relation avec ce poids de l’histoire qui imprègne le contexte ».

Roosevelt island.

Roosevelt island.

 

 

 

pour le projet « Roosevelt Island »  à New York, Kl intervient sur un hôpital  aujourd’hui désaffecté (depuis 50). il raconte que la poésie du lieu découvert par hasard lui a évoqué son intervention

Le bâtiment était déjà mélancolique, mais le travail de K crée un sarcophage de bois qui accentue ce sentiment en retranchant le bâtiment de Manhattan.

Ces structures faisaient penser au travail de Christo et Jeanne Claude, dans leur capacité à générer des associations avec l’histoire du lieu : les madriers donnaient à voir et soulignait l’architecture.

  • Work in progress

« le résultat final passe après »

« mon projet n’est jamais achevé, il se prolonge indéfiniment. C’est de l’action pure »

Guy tortosa  : « vous dites que votre oeuvre n’est jamais achevée, qu’elle continue, mais la plupart de vos interventions sont éphémères, temporaires. Cela signifie-t-il que quelque part, dans votre esprit ou dans la mémoire collective, il existe une sorte de cité imaginaire en cours de construction ?

K : C’est toujours par une vue d’avion que je découvre les lieux que je vais investir. J’ai travaillé en Belgique, en Hollande, en France… dans certaines villes c’était éphémère oui, un mois, deux mois, mais je travaillais sur la mémoire des villes concernées, c’était le sens de mes projets. Vous n’avez qu’à les imaginer en connexion.

 

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