« L’énigme Marcel Duchamp. L’art à l’épreuve du cogito » de Philippe Sers. Ed Hazan

L’énigme. Marcel Duchamp. L’art à l’épreuve du cogito. Philippe Sers. Ed Hazan
historien de l’art et philosphoe, Philippe Sers a coutume de sortir des sentiers battus (j’ai déjà analysé ici ses ouvrages sur Kandinsky ou l’avant-garde russe). L’auteur nous explique dès la préface à cette seconde édition l’urgence de cet ouvrage sur Marcel Duchamp : la doxa ne cesse de faire de graves malentendus sur l’interprétation de son œuvre, et ces malentendus ont conduit à l’idée que n’importe quoi peut-être présenté comme œuvre d’art, et donc à perdre ce que l’art pouvait avoir comme valeur d’utopie. Pour corriger ces malentendus, le philosophe analyse précisément le travail de Duchamp. Dans « prolégomènes », il raconte comment celui-ci a mis en place les ready-made pour répondre au scandale du « nu descendant l’escalier ». Non, « fountain », son ready-made le plus célèbre, n’est pas le prototype du nouvel objet d’art ! Duchamp « croit au travail « artistique », mais n’accepte pas la sottise et le snobisme de ceux qui constituent le monde de la culture et qui jugent souverainement de la qualité de l’art, il a un certain mépris pour ceux qui valident institutionnellement la création artistique ». « fountain » est la remise en cause de cette sottise et de ce snobisme ! Dans un deuxième temps, P. Sers décrit ce que Duchamp cherchait, qui est plutôt du côté des « états transcendants de la vie » décrit par A. Artaud: « Fountain » témoigne d’une expérience qui nous ouvre à une autre dimension, tout comme c’était le cas déjà pour Kandinsky quand, à la même époque, il inventait la peinture abstraite. Car pour lui, cette expérience est essentielle, et rien de peut la remplacer : dans le troisième temps de sa démonstration, Sers remet en question le célèbre texte de Danto où le consensus social seul permettait de valider la décision de Duchamp de transformer un urinoir en œuvre d’art (p92-93). Selon l’auteur, Duchamp ne cesse de nous montrer combien l’art rétinien, que ce soit dans les peintures abstraites de Kandinsky, dans l’origine du monde » de Courbet, ou dans « étant donnés » de Duchamp, aucune ne peut nous donner à voir le véritable sujet de ces œuvres, l’expérience de la rencontre ou de l’amour de l’autre. Le « passage de la vierge à la mariée » est irreprésentable, car pour ce faire le spectateur devrait se changer en acteur : dans cette œuvre célèbre, il devrait passer la porte qui le met à distance, et l’empêche de transformer l’œuvre d’art en véritable expérience!  L’expérience des œuvres de Duchamp, comme celle Viola ou Kantor, Beuys et quelques autres « permettent de retrouver le chemin de l’Etre ».

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