Warhol basquiat

BIENNALE de Cachan 2023
JAFFREDO Jean-Jacques
JAFFREDO Jean-Jacques
culture
Cher-e-s Artistes,

Nous sommes sur la dernière ligne droite avant le début de l’accrochage débutant la semaine prochaine. Le catalogue, les affiches et panneaux extérieurs sont en cours de fabrication.
Pour celles et ceux qui ne l’ont pas encore fait, nous vous rappelons que le dépôt des œuvres est prévu jusqu’au samedi 15 avril, 12h, au service culturel (Cf. notre précédent mail). Nous avons également besoin de connaître la valeur à déclarer à l’assurance.

Nous vous transmettons ici la liste des 57 artistes participant à cette édition 2023, autour de « L’enfance » et nous nous réjouissons d’ores et déjà de vous rencontrer toutes et tous, le 11 mai prochain pour le vernissage. Les documents et outils de communication vous seront adressés prochainement.

Bien à vous.

L’équipe du service culturel.
01.49.69.17.91
06.22.25.71.50

ACHOUR Céline
ABSIL Hugues
AMARGER Brigitte
BAILLEZ Vinvent
BESSON Mylène
BODAIRE Arnaud
BONNO Jules
BOURDET Odile
CHA Elsa
CHAPE Carole
DE BARY Etienne
DINA Madalina
DOUZIECH Jean-Paul
DUTOIT Marion
ECOIFFIER Jenny
FONTAN Marie-Noëlle
FRECHET Denise
GILLIG Araso
GUERIN Marc
HARBADI Clara
HEBRARD Jean-Paul
HOUZERICARD Fabienne
JAOUEN Flo
JOURNET RAMEL Dominique
KHEDIM Lahcen
KORTZ-WAINTROP Janine
LARGET-RO Thibault
LAPENE Jean-Marc
LASSERRE Clothilde
LEE Eun Jung
LE PARC Julio
LESAFFRE Laetitia
LOYER Christophe
LOZA Eduardo
LU Linrong
LUNA Olga
MARBLEU Françoise
MARLIN Pascal
MARQUES Marie-Cécile
MORACZEWSKA Magda
MOREAU Françoise
MOURRAL Patrick
MOYA Beatriz
PALMER Hiroko
PERRIER Noël
PLAZANET Laurent
PLEUTIN Patrick
POUX Aurélie
QUILICI Daniela
RONNIE Habib
RUBALCAVA Cristina
SCHMELTZ Arnaud
SECQ Caroline
SILVEBERG Djan
VEITH Caroline
VYGRIVACH Kira
XU Hualing

Le message que vous venez de recevoir est susceptible de contenir des données à caractère personnel. Par conséquent, conformément aux articles 34 et 35 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ainsi qu’aux articles 32 à 35 du règlement général sur la protection des données du 27 avril 2016, vous êtes invité à prendre toutes précautions conformes aux usages et à l’état de l’art dans le cadre de vos attributions afin de protéger la confidentialité des informations auxquelles vous avez accès, et en particulier d’empêcher qu’elles ne soient communiquées à des personnes non expressément autorisées à les recevoir.

JAFFREDO Jean-Jacques
Mer 05/04/2023 09:15
Bonjour, Merci bien. Nous avons à présent tous les documents. Bien à vous Jean-Jacques Jaffrédo Ville de Cachan Responsable du service culturel 01.49.69.17.91 06.22.25.71.50 www.ville-cachan.fr Le message que vous venez de recevoir est susceptible de contenir

Hugues Absil
Mer 05/04/2023 00:35
bonjour, voici deux photos prises dans mon atelier, comme vous me l’avez demandé. Pouvez-vous me confirmer leur bonne réception? bien à vous hugues absil

Marquer pour le suivi.
Marquer pour le suivi.
JAFFREDO Jean-Jacques
culture
Cher-e-s Artistes,

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le jury de la Biennale de Cachan a retenu votre proposition de candidature.
Nous vous félicitons et nous nous réjouissons par conséquent de pouvoir vous accueillir prochainement pour cette nouvelle édition consacrée à L’enfance. Vous serez 57 artistes réparti-e-s entre L’Orangerie et la galerie du Théâtre Jacques Carat, du 11 mai au 1er juillet 2023, le vernissage étant prévu le 11 mai à 19 h.

Nous travaillons actuellement les outils de promotion de ce rendez-vous. Outre le catalogue, les affiches, et les mises en ligne, nous préparons également, comme en 2021, des « panneaux-portraits » (en PJ) de 185 x 125 cm, pour être installés en extérieur, sur les grilles faisant le tour du parc Raspail situé en centre ville, proche de L’Orangerie, et permettant ainsi une bonne visibilité de l’évènement depuis l’espace public.
Chacun de ces 57 panneaux reprendra l’image agrandie de chacune des œuvres présentes, ainsi qu’une « photo-portrait » de chaque artiste, accompagnée d’un texte décrivant votre parcours et votre démarche artistique. Pour celles et ceux choisissant de présenter le texte figurant déjà dans leur dossier, pensez néanmoins à nous le transmettre à nouveau, en version word. Pour les autres, une nouvelle page est à prévoir, en word également.

Nous avons donc besoin d’ici le 25 mars (c’est proche !), à cette adresse, culture@ville-cachan.fr :
d’une de vos « photos-portraits » (obligatoirement en 300 dpi, jpeg, 4/5 Mo)
d’un texte en word présentant votre parcours et votre démarche artistique (1600 signes maximum, espace compris)
de la photo de l’œuvre qui sera présentée (obligatoirement en 300 dpi, jpeg)
Bien que ce délai soit assez court, nous comptons sur votre réactivité pour nous permettre de mettre en œuvre, dans de bonnes conditions, cette nouvelle opportunité de communication très utile pour toutes et tous.
Nous vous précisons enfin que votre œuvre pourra être déposée au service culturel, situé 15, rue Gallieni 94230 Cachan, entre le 3 et le 15 avril prochain, du lundi au vendredi dans les créneaux horaires suivants : 9h30-12h et 14h-17h30. Le samedi de 9h30 à 12h.

Nous vous remercions chaleureusement par avance, et restons à votre écoute si nécessaire.

Bien à vous.

L’équipe du service culturel.
01.49.69.17.91
06.22.25.71.50

Le Monde (site web)
m-le-mag, vendredi 24 mars 2023 – 05:00 UTC +0100 2935 mots
Quand Basquiat électrisait Paris

Roxana Azimi
Dans les années 1980, le peintre star américain a trouvé dans la capitale française captivée par sa modernité, un refuge pour échapper au tumulte de sa vie new-yorkaise. En ce printemps, il est à l’affiche de deux expositions, à la Fondation Louis Vuitton et à la Philharmonie de Paris.

Sur la toile datée de 1985, tout se voit en triple exemplaire : le drapeau tricolore qui peu à peu se déstructure, la tour Eiffel qui penche dangereusement, jusqu’aux grenouilles renvoyant au fleuron de la gastronomie française. Eiffel Tower est le fruit d’un pas de deux entre Jean-Michel Basquiat (1960-1988) et Andy Warhol (1928-1987). L’étoile filante des années 1980 et le pape peroxydé du pop art ont fusionné, de 1984 à 1985, dans plus d’une centaine de toiles, leur patte mais aussi leur tempérament. Le tableau puise dans les doubles souvenirs parisiens de ces Américains. Jean-Michel Basquiat l’a-t-il imaginé après avoir vu le feu d’artifice du 14 juillet 1985 de l’appartement parisien de la cinéaste Diane Kurys ? Ou la composition a-t-elle été soufflée par son ami Warhol, qui, de 1977 à 1987, s’est rendu une bonne vingtaine de fois dans la capitale française ?

Le mystère reste entier, même pour Dieter Buchhart. Le commissaire de l’exposition « Basquiat × Warhol, à quatre mains » à la Fondation Louis Vuitton, à Paris, présente, du 5 avril au 28 août, la collaboration des deux artistes, aussi intense que tortueuse. Jean-Michel Basquiat, véritable phénomène du monde de l’art, a fait l’objet de nombreuses rétrospectives dans la capitale. Sa relation avec le monde de la musique sera également à l’honneur du 6 avril au 30 juillet à la Philharmonie de Paris.

L’Américain avait fait de Paris son refuge. Il a traversé l’Atlantique au moins à quatre reprises, entre 1983 et 1988. A cette époque, celui qui a commencé sa carrière à New York comme artiste graffiti est déjà célèbre. Contrairement à beaucoup de ses pairs, Jean-Michel Basquiat n’a pas besoin de Paris pour asseoir sa légitimité. Hormis quelques initiés, peu de Français l’ont rencontré. Dans la capitale, l’artiste trouve la tranquillité, joue au touriste, fréquente assidûment les musées où sont exposées les œuvres des grands maîtres qu’il affectionne, comme Léonard de Vinci ou Henri Matisse. Star et anonyme à la fois.

Ebullition new-yorkaise dans l’Amérique de Reagan

Le jeune homme au patronyme français – son père est haïtien, sa mère, new-yorkaise d’origine portoricaine – suit ainsi la route empruntée cinquante ans plus tôt par les écrivains américains Ernest Hemingway et Henry Miller. L’époque était alors tout autre. Dans les années 1920-1930, la Ville Lumière connaît son âge d’or. La vie culturelle y est alors bouillonnante, la prohibition n’y sévit pas comme en Amérique et la liberté sexuelle y est plus épanouie. Les artistes et intellectuels noirs qui fuient la ségrégation raciale, comme Joséphine Baker ou la peintre Lois Mailou Jones, trouvent asile à Paris. Après la seconde guerre mondiale, plusieurs centaines d’hommes ayant combattu convergent dans les écoles d’art, profitant d’une bourse permettant aux anciens GI de mener des études aux Etats-Unis ou à l’étranger.

La France n’est pourtant plus au sommet de sa gloire. L’école de New York lui a soufflé la suprématie artistique. Mais la bohème en Technicolor d’Un Américain à Paris, réalisé par Vincente Minnelli en 1951, fait toujours rêver. Les peintres Jack Youngerman, Ellsworth Kelly, William Copley ou Joan Mitchell s’y installent dans les années 1950 pour échapper au puritanisme et au maccarthysme. Cet élan ne faiblit pas dans les années 1980. « Les Américains voulaient fuir les années Reagan, le kitsch, l’argent roi et la violence symbolique contre les minorités », explique l’historien François Cusset, professeur de civilisation américaine à l’université Paris-Nanterre.

Jean-Michel Basquiat souffre de n’avoir pas la « bonne » couleur de peau. Enfant surdoué, il a, dès l’âge de 7 ans, la certitude qu’il sera célèbre. Le jour, le jeune homme rageur se fait remarquer en tapissant tout Soho d’un tag, SAMO, pour same old shit (« toujours la même merde »). La nuit, il court les clubs comme le Mudd et le 57, où se nouent les carrières. Très vite la chance lui sourit : il figure, en 1981, dans l’exposition « New York/New Wave » au centre d’art PS1, là où le Tout-New York se rend pour flairer les nouvelles tendances de l’art. Il a tout juste 20 ans. Sa rage et sa virtuosité en imposent à tous, même à Andy Warhol, le maître de la Factory, distancé par son époque. Sa réputation se diffuse rapidement de l’autre côté de l’Atlantique, où le monde de l’art est à l’affût des Matisse et Picasso de demain. La France lui ouvre ses bras.

Une star de l’underground très convoitée

Les relations entre Paris et New York ont alors tout d’un ruban de Möbius : par quelque côté qu’on le prenne, le chemin conduit à sa face inversée. Les deux capitales de l’art se contredisent et se complètent. L’énergie de l’East Village, où squatte Jean-Michel Basquiat, comme la rage des graffeurs qui se sont emparés des rues et des rames de métro électrisent les Parisiens. « New York, c’était Babylone, là où tout se passait. Tu y passais huit jours, tu en revenais changé », explique le galeriste Yvon Lambert qui, dans les années 1970, a fait connaître en France l’avant-garde minimale et conceptuelle américaine.

Le marchand Hervé Perdriolle, qui était alors graphiste et critique d’art, a les yeux qui brillent lorsqu’il raconte ses virées dans le Lower East side pour tenter de rencontrer Jean-Michel Basquiat (en vain) et Keith Haring, autre prodige du dessin. « On fantasmait tous sur la violence, le danger, les ateliers démesurés, raconte-t-il avec nostalgie. C’était la ville qui voyait tout en grand : grands espaces, grands formats, grands horizons. »

« Jean-Michel Basquiat voulait tout simplement ce qu’il y a de meilleur dans la vie. » Le photographe Michael Halsband

Enivré par la pop psychédélique du Velvet Underground et les derniers soubresauts du punk, Jean-Charles de Castelbajac rencontre Jean-Michel Basquiat en 1984, puis trois ans plus tard Keith Haring. « New York, c’était alors l’eldorado, la liberté », se souvient le styliste. D’emblée, le couturier sympathise avec ces fauteurs de troubles aux visages d’ange qui cassent les codes de l’art. Il les accueille chez lui, à Paris. Ses fils adorent ces garnements qui ont conservé un peu de leur enfance. « J’étais fasciné par leur audace et leur électricité, raconte le créateur. Eux étaient éblouis par notre histoire, par Paris, une ville où le passé ne meurt jamais. » Jean-Charles de Castelbajac les entraîne souvent dans de longues promenades nocturnes pour remonter le temps. Un soir, il conduit Jean-Michel Basquiat sur les pas de l’écrivain libertin du XVIIIe siècle Restif de la Bretonne, auteur des Nuits de Paris.

Changer de rythme

Pour le peintre américain, la capitale est plus qu’une ville-musée, c’est le centre de la mode. Un pied dans la rue, l’autre dans le star-system, il s’est créé un look de dandy. Costume Yoji Yamamoto ou Armani, chemise agnès b. et long manteau Comme des garçons, marque pour laquelle il défilera en 1987 à Paris. Accro à l’héroïne comme au luxe, l’argent lui brûle les doigts. Il voyage en Concorde et descend dans les palaces. A New York, Basquiat aimait avoir son frigo rempli de champagne et de caviar. A Paris, il a son rond de serviette à L’Ecluse, un bar à vins, et fréquente aussi de temps en temps la brasserie La Coupole. Avec son charisme, il enflamme les Bains Douches, une boîte de nuit du 3e arrondissement où se pressent stars du cinéma et de la musique, comme Mick Jagger, Robert De Niro, Madonna ou Grace Jones.

« Jean-Michel voulait tout simplement ce qu’il y a de meilleur dans la vie », dit dans un sourire le photographe Michael Halsband. Il a accompagné la jeune star en juillet 1985 dans ses virées parisiennes et est à l’origine du cliché culte représentant Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol en boxeurs, qui fait l’affiche de l’exposition de la Fondation Louis Vuitton. Cette année-là, à tout juste 24 ans, le premier fait la couverture du New York Times Magazine avec ce titre : « New Art, New Money – The marketing of an American artist ». Médusés par son talent, les collectionneurs américains en redemandent. Les marchands lui mettent la pression, les parasites lui font la cour.

A Paris, Basquiat cherche la paix qu’il a perdue en devenant célèbre. « Ce qu’il aimait, c’était le changement de rythme », souligne Michael Haslband. Mais les galeristes parisiens courent aussi après le jeune prodige. Daniel Templon, qui a visité son studio dans l’East Village dès 1982, tente de l’exposer. Ses nouveaux marchands, Mary Boone et Michael Werner, s’y opposent. Le Parisien, pugnace, y parviendra en 1987, grâce à Bruno Bischofberger, son représentant exclusif en Europe. Jean-Michel Basquiat ne fait pas le déplacement, pas plus qu’il ne visite, l’année suivante, l’accrochage que lui réserve le marchand parisien Pierre Nahon, à la galerie Beaubourg.

« Il était toujours à court d’argent. Il m’appelait à 3 heures du matin parce qu’il devait régler son dealer. » Le galeriste Yvon Lambert

En revanche, l’artiste s’implique davantage dans l’exposition que lui consacre, en janvier 1988, Yvon Lambert, rue Vieille-du-Temple. C’est l’occasion de son tout dernier voyage à Paris. L’accrochage, qui réunit une douzaine de toiles, est un casse-tête. « Entre les tableaux bâclés, les tableaux presque inachevés, il y avait un tri à faire », raconte le marchand à L’Obs, en août 2021. Son trait a perdu la fulgurance de ses débuts. Basquiat s’égare, n’honore plus ses engagements, vend en douce des tableaux promis à d’autres. Affecté par la mort, quelques mois plus tôt, d’Andy Warhol, il s’est éloigné de tous ses proches. Fatiguée de ses excès d’enfant-roi consumé par la drogue, sa galeriste historique, Annina Nosei, a coupé les ponts. Ses nouveaux marchands le poussent alors à faire du Basquiat, pour mieux lui reprocher de se répéter. « Sa cote commençait à pâlir à New York », concède aujourd’hui Yvon Lambert.

A Paris, Jean-Michel Basquiat n’est plus que l’ombre de lui-même. Avec Yvon Lambert, pourtant, il échange en français (son père est francophone), une connivence s’est installée entre eux. Heureux de l’exposer enfin, le galeriste cède à ses caprices. « Il était toujours à court d’argent, dit-il avec indulgence, il m’appelait à 3 heures du matin parce qu’il devait régler son dealer. » La veille du vernissage, l’enfant terrible qui soigne encore sa mise réclame des boutons de manchette. Le commissaire-priseur Pierre Cornette de Saint-Cyr, qui passait par là, se fend de lui en trouver.

Sous le poids des addictions

Le soir du vernissage, Jean-Charles de Castelbajac, qui avait organisé une grande fête en l’honneur du peintre, se désespère de son retard. Le styliste a convié dans le vaste appartement de la Plaine-Monceau le Tout-Paris arty, des jeunes critiques d’art turbulents, comme Jérôme Sans et Nicolas Bourriaud, qui n’avaient pas encore joint leurs forces pour fonder le Palais de Tokyo, mais aussi Claude Picasso, fils de Pablo, et son épouse, Sydney. « Jean-Michel a finalement débarqué vers 22 h 30, en disant qu’il avait été kidnappé par une blonde », se souvient le couturier.

La blonde en question n’est autre qu’Agnès b. Quarante ans après, dans son bureau de la rue Dieu, dans le 10e arrondissement parisien, la créatrice de vêtements n’a rien oublié de cette « rencontre fulgurante ». Cette native de Versailles ne jure que par les scènes alternatives, l’esprit rock et la contre-culture. Quand le bon goût bourgeois se pince le nez devant les artistes urbains, assimilés à des vandales, elle s’emballe pour les graffeurs américains. C’est en 1984 qu’elle s’entiche de Jean-Michel Basquiat, dont elle découvre le travail à la Biennale de Paris. C’est avec curiosité qu’elle se rend à l’inauguration chez Yvon Lambert. L’artiste a beau avoir perdu de sa superbe, elle ne voit que lui, costard marron, chemise blanche rehaussée d’une cravate noire.

« Lorsque je sors de la galerie, il m’appelle : “Agnès, Agnès !” » Assis dans une pizzeria voisine, le peintre l’invite à le rejoindre. S’ensuivent deux heures d’entretien tendre et sans tabou. Les deux nuits suivantes, Jean-Michel Basquiat l’appelle à 4 heures du matin en lui intimant de le rejoindre au Crillon. Quoique sous le charme, elle s’y refuse – « J’avais alors un amant que j’aimais bien », dit-elle. Sous l’effet de plus en plus dévastateur de la drogue, il ravage la chambre de l’hôtel de luxe. Pour le garder à l’œil, Yvon Lambert le reloge dans un établissement bon marché rue du Bourg-Tibourg, près de sa galerie, dans le Marais. L’artiste y restera plus d’un mois. À la réception de l’hôtel, il donne une consigne : ne jamais faire sa chambre.

« Si Basquiat emploie tel ou tel fragment de graffiti, il ne se contente pas de le citer platement, mais l’adapte, le traite par l’ironie et le change en instrument nécessaire à une composition plus large. » Le critique d’art Philippe Dagen

Si Basquiat s’éternise à Paris, ce n’est pas pour jouir des charmes de la capitale. « Il était juste paumé », lâche de son accent rocailleux le peintre et photographe Louis Jammes, qui exposait à l’époque chez Yvon Lambert. Les effets de la drogue sur l’artiste sont de plus en plus délétères. On le retrouve tantôt hagard assis sur le sol ou bien endormi sur une chaise. Il est surtout au bout d’un cycle : il peint moins, noircit beaucoup ses carnets, s’imagine écrivain. Lui, le virtuose qui avait bluffé Warhol par sa célérité, met plus d’un mois à achever une toile. Parfois, il s’échappe à Amsterdam pour s’approvisionner en héroïne. Un jour, il en reviendra avec deux sabots qu’il peindra, avant d’en faire cadeau à Yvon Lambert.

Durant ses quelques semaines passées à Paris, Jean-Michel Basquiat ne frayera pas avec les artistes tricolores. Il n’admire que les Américains Andy Warhol, Robert Rauschenberg et Jasper Johns. Peut-être un peu les nouveaux fauves allemands, découverts en 1983, lorsqu’il avait accompagné Bruno Bischofberger au CAPC de Bordeaux pour l’exposition « Salome, Castelli, Fetting ». Jean-Michel Basquiat ne se reconnaît pas dans la flambée figurative qui a saisi les peintres français. Il ne s’est pas rendu, en 1985, à l’exposition « Figuration libre, France/USA », à l’ARC-Musée d’art moderne, où ses œuvres ainsi que celles de Keith Haring figuraient à côté de celles de Robert Combas, Richard Di Rosa et Rémi Blanchard.

Amitié française

Malgré une parenté formelle entre la France et les Etats-Unis, un monde sépare les deux pays. Les peintres hexagonaux puisent leur inspiration dans la culture télévisuelle et les cartoons, mais ils n’ont pas l’expérience de la rue, à l’inverse de Basquiat et de Haring. Quoique fascinés par l’Amérique, les Français ne se sentent pas toujours en phase avec leurs homologues new-yorkais. D’autant que ces derniers sont davantage connus et valent beaucoup plus cher. Interrogé par la revue Art press, Robert Combas critique d’ailleurs Basquiat, dont il dit pourtant aimer le travail. « Je trouve que cela fait très peintre : cela ressemble aux premiers Dubuffet », tance-t-il, expéditif.

Suzanne Pagé, l’actuelle directrice artistique de la Fondation Louis Vuitton, qui pilotait alors l’ARC, ne partage pas le même avis. « Les Américains étaient libres, électriques, comme possédés », estime-t-elle. Plus subtils aussi, aux yeux du critique d’art Philippe Dagen, aujourd’hui collaborateur du Monde, qui, dans Le Quotidien de Paris, se range du côté de Jean-Michel Basquiat : « S’il emploie tel ou tel fragment de graffiti, il ne se contente pas de le citer platement, comme l’assommant Combas, mais l’adapte, le traite par l’ironie et le change en instrument nécessaire à une composition plus large. »

Louis Jammes est l’un des rares artistes français à avoir sympathisé avec le peintre américain, en 1988. Il connaissait déjà Keith Haring, qui l’avait invité en 1987 pour sa fête d’anniversaire sous les dorures du Train Bleu, le très chic restaurant de la gare de Lyon. Avec Jean-Michel Basquiat, c’est une autre paire de manches. Le jeune homme est plus solitaire, paranoïaque, à fleur de peau.

Mais l’artiste de Carcassonne parvient à l’amadouer lors d’une séance photo dans son studio de la rue Quincampoix. Depuis toujours, Basquiat sait se mettre en scène devant l’objectif. Lorsque Louis Jammes lui enjoint de se déshabiller, il s’exécute. Une photo le montre le sexe à l’air. Sur une autre, il toise le spectateur, une corde autour du cou. Dans le regard, un éclair de tristesse. L’image est prémonitoire. Quelques mois plus tard, en août 1988, de retour à New York, Basquiat meurt d’une overdose, à 27 ans.

« Basquiat × Warhol, à quatre mains », du 5 avril au 28 août, à la Fondation Louis Vuitton, Paris 16e.« Basquiat Soundtracks », du 6 avril au 30 juillet, à la Philharmonie de Paris, Paris 19e

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