white cube

Le livre de Brian O’Doherty White Cube, L’espace de la galerie et son idéologie  est la compilation de cinq articles, dont trois avaient déjà été publiés dans Artforum en 1976. Les deux autres « la galerie comme geste » et « l’atelier et le cube » datent de 1981 et 2003-07. Mais l’ensemble de l’ouvrage est cohérent dans la mesure où il rend compte d’une évolution générale des lieux d’exposition au XXèmes siècle. Il paraît en 1008 dans une traduction française de Catherine Vasseur, avec une introduction de Patricia Falguières (édition JRP/Ringier Kunstverlag AG).

atelier de Mondrian rue du Départ à Paris

atelier de Mondrian rue du Départ à Paris

Palais de la Sécession.1898 à Vienne. Olbrich

Palais de la Sécession.1898 à Vienne. Olbrich

 

 

Cet espace  nouveau se constitue peu à peu, mais son véritable point de départ est à chercher dans les lieux d’exposition inventés autour de 1900, à Vienne autour de la Sécession et en Hollande autour de de Stijl.

Dans un texte de 1009, Martine Salzmann fait de cet ouvrage une déclaration de guerre à un art de contenu, l’auteur y ayant écrit que « Le cube blanc (…) a cultivé en serre le délestage systématique du contenu ». Dans ces espaces nouveaux, l’oeuvre ne fonctionne plus qu’en référence à elle-même. C’est le triomphe de l’art autonome. Cet auteur explique le succès du White Cube par la propagande américaine qui, dans le contexte de la guerre froide, aurait cherché à imposer l’art américain à travers le monde. L’art ne serait plus valorisé pour ce qu’il contient ou ce à quoi il fait référence, mais par le lieux même de son exposition. Tout peut dès lors devenir « art. » Ce n’est plus l’oeuvre qui a une valeur, mais l’exposition. Le véritable artiste n’est plus celui qui crée, mais celui qui expose.

 

Pour Brian O’Doherty , le véritable fondateur de du White Cube serait Duchamp qui en 1938 et 1942 impose non plus une oeuvre, mais deux expositions en 1938 et 1942 avec « 1.200 sacs de charbon » (Paris, 1938) et « Mille de ficelle » (New-York, 1942). Pour ces expositions surréalistes, Breton voulait rompre le plus possible avec la tradition, et chargea Duchamp de cette tache.

DUCHAMP Marcel (1887-1968), Ciel de roussettes (1200 sacs de charbon suspendus au plafond au-dessus d'un poêle), détail, 1938, Exposition Internationale du Surréalisme, Paris, janvier-février 1938.

DUCHAMP Marcel (1887-1968), Ciel de roussettes (1200 sacs de charbon suspendus au plafond au-dessus d’un poêle), détail, 1938,
Exposition Internationale du Surréalisme, Paris, janvier-février 1938.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Celui-ci  décida dans un premier temps, d’accrocher une centaine de parapluies ouverts sous la verrière qui normalement aurait du les œuvres. L’idée étant irréalisable dans les temps, il décida de couvrir le plafond de sacs de charbon.«Ce renversement a valeur inaugurale : ce fut la première fois qu’un artiste subsumait la totalité d’une galerie d’un seul geste ».« En 1938, c’était très amusant. J’avais eu l’idée de la grotte centrale avec les 1200 sacs de charbon suspendus au-dessus d’un brasero. C’était un appareil électrique mais les assureurs ont refusé. On l’a fait quand même, d’ailleurs, et alors ils ont accepté. D’ailleurs les sacs étaient vides. […] Il y avait de la poussière de charbon. C’étaient des vrais sacs qu’on avait été chercher à La Villette ; il y avait dedans des papiers, des journaux qui faisaient du volume.  » (Marcel Duchamp : entretiens avec Pierre Cabanne [1967], Paris, Somogy éditions d’art, 1995, pp. 99 – 100.)

 

Masson raconte que le plafond semblait rabaissé, et que la poussière tombait même sur les visiteurs, pour donner l’impression d’être dans une véritable grotte.  Le sol aussi intervenait dans cet espace révolutionnaire : il avait été recouvert de sable et de feuilles mortes.

 

Vue de l’Exposition internationale du surréalisme, la salle principale. Des visiteurs admirent des œuvres placées sur des portes « revolver ».

Vue de l’Exposition internationale du surréalisme, la salle principale. Des visiteurs admirent des œuvres placées sur des portes « revolver ».

 

 

 

 

 

Marcel Jean explique même qu’au départ, Duchamp voulait vraiment illustrer son idée selon laquelle« Ce sont les REGARDEURS qui font les tableaux. » Il raconte : « Duchamp avait pensé à installer un jeu d’‘oeils magiques’ [sic] grâce auquel les lumières se seraient allumées lorsque les spectateurs auraient coupé un rayon invisible en passant devant les toiles.  » (Histoire de la peinture surréaliste, Paris, Seuil, 1959, pp. 281 – 282.) Devant l’impossibilité technique d’une telle réalisation, Duchamp explique: « On ne voyait pas les tableaux. Man Ray avait eu l’idée de donner à chaque visiteur une torche électrique pour regarder s’il voulait voir quelque chose. » Dès le premier soir, les visiteurs disparurent avec les lampes torche, et le Braséro fut prévu pour les remplacer. L’action personnelle des spectateur disparut, mais l’éclairage diffus perdura.

 

DUCHAMP Marcel (1887-1968), Le Fil (Mile of String), 1942,  installation dès le vernissage de l'Exposition First Papers of Surrealism, New-York, octobre-novembre 1942.

DUCHAMP Marcel (1887-1968), Le Fil (Mile of String), 1942,
installation dès le vernissage de l’Exposition First Papers of Surrealism, New-York, octobre-novembre 1942.

 

 

 

 

 

 

 

Pour en revenir à l’évolution qui nous mène au White Cube, on peut écouter un autre surréaliste, José Pierre, qui souligne l’importance de ces expositions. « une exposition limitée à la présentation d’œuvres d’art aurait pu laisser croire aux visiteurs que le surréalisme était uniquement un mouvement artistique se manifestant par la production de tableaux, d’objets et de sculptures. Ce qui eut été une vision à la fois partielle et mensongère d’un mouvement qui […] fut avant tout un état d’esprit. »

 

Dès lors, dès le milieu du XXème siècle, les œuvres ne sont plus un but en elles-même. Elles ne doivent plus que créer  ou participer d’un état d’esprit.  Brian O’Doherty  ne dit rien d’autre pour définir l’art contemporain et le White cube.

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