Kawamata et le travail en groupe

  1. Signature et travail en groupe

K a toujours intégré d’autres personnes à ses projets. Il a rompu avec le système esthétique romantique. Il est beaucoup plus influencé par la pensée de Duchamp selon laquelle c’est le regardeur qui fait le tableau.

« je travaille toujours avec beaucoup de gens à cause de l’échelle des projets, et c’est toujours intéressant pour moi de les voir agir pour m’aider à les mener à bien. Ils ont constamment de nouvelles idées pour modifier le projet, et je suis à l’affût précisément de ces moments-là ; je reste ouvert à toutes leurs suggestions ; sur la façon de procéder, de coopérer, de construire le projet. Pour moi c’est une méthode très efficace, il m’arrive même de partir de leur idée pour définir la structure. »

tetra house( 1983)

tetra house( 1983)

 

 

 

 

 

pour « Tetra House », un comité des citoyens de l’endroit a été constitué et K pensait que « tout ce que le comité a créé méritait amplement le nom d’installation artistique ».

 

 

Coalmine Project in Tagawa 2002

Coalmine Project in Tagawa 2002

 

 

 

 

 

« Coalmine Project in Tagawa » est un projet à long terme pour l’île de Kyushu au sud du japon et commencé en 96. D’anciens mineurs ou étudiants de la région ébranlée par le déclin de l’industrie minière élaborent un « mémorial en mouvement » dédié à l’histoire locale du travail, ce qui leur permet de sortir du chômage et les confronte à une tache ardue.

 

 

sur la voie

sur la voie

 

 

 

 

Dans « sur la voie » (2000) il fait appel à des détenus de prison pour travailler dans une ville très abimée par les bombardements de 39-45. A Evreux en 2000, les piétons sont invités à circuler sur la place de l’hôtel de ville par une passerelle surélevée reliant les bâtiments qui subsistent après-guerre, offrant une nouvelle vision de la ville. Autant d’exemples et de situations où l’œuvre invite à un déplacement, à un cheminement.

alkmaar

alkmaar

 

 

 

 

« working Progress » réalisé pour l’évènement Münster Skultur Projekte en 97 fait travailler des patients d’une clinique de désintoxication prés de la ville d’Alkmaar en hollande : de 96 à 2000, les malades travaillent avec K pour construire un chemin piétonnier en remblayant et franchissant des canaux pour relier la clinique à la ville. Concrètement le projet a une vertu thérapeutique et les relie aussi à la ville. Le projet est maintenant tout à fait utilisé aussi par les habitants pour se déplacer.

K parle souvent d’ »établir des connexions. Il  se réfère à l’image d’une synapse : constat par un seul de l’influx d’un présent qui génère le mouvement et donc fait intervenir le temps.

  1. Travail public.

Kawamata répond à des questions sur F. Léger , et est amené ainsi à trouver les origines de sa conception du travail en groupe sinon public.

Guy tortosa : Léger considérait  les commandes publiques avant tout comme un art en rapport avec le public qui fait l’œuvre. Et par public il n’entendait pas seulement le spectateur mais le groupe, la collectivité formée par des individus participant du même idéal et accomplissant un travail en commun.

K : « je pense qu’il y a une légère différence. Bien sûr il y a des gens qui sont d’accord pour discuter, participer et travailler tant que c’est eux qui décident. Mais ne vois par les choses tout à fait comme ça. Je peux travailler avec les autres en leur laissant le plus de liberté possible, mais il y a des moments où il faut bien que je prenne en main les choses , sinon ça devient n’importe quoi. Comme un jeu d’enfant ? C’est tout simplement impossible dans le système actuel.

Guy tortosa  : « je pense que c’était aussi le cas pour F. Léger. Il accordait beaucoup d’importance au fait de faire appel aux talents et aux capacités d’ouvriers et d’artisans spécialisés (mosaïstes, céramistes), et il militait pour un art populaire. Le travail se faisait en commun, à la manière d’une espèce de projet « politique », au sens où il participait de fait à l’organisation de la vie dans la cité, en grec la « polis »

K : « il faut aussi un règle »

Guy tortosa  « qu’entendez-vous par là ?

K : « la règle est comme un système  un système très simple permettant de travailler ensemble autrement tout ça devient de l’art décoratif du loisir. Alors qu’avec notre système nous sommes ensemble, tout le monde est d’accord, personne n’est totalement libre. Le degré de liberté est très difficile à doser.

Guy tortosa  : «  la liberté n’est pas totale, mais ce n’est pas l’usine. Est-ce parce que nous sommes dans cette cité où l’on aime être ensemble ?

K : «  et respecter les autres. La liberté pourrait être absolue et déboucher sur le chaos. Mais quand on se respecte les uns les autres, on aboutit à un système prêt à penser la question du travail en commun. Pour moi il est donc primordial de respecter l’ouvrier, l’assistant qui travaille à mes côtés. Je ne suis pas seulement le type qui donne des ordres.

(…)

Guy tortosa : « revenons aux question de groupe, de communauté, de cité. A mes yeux, la démocratie est un système où l’on peut et où l’on doit discuter, un système dans lequel il y a toujours de la place pour un compromis négocié

K : «  ce n’est pas l’anarchie non plus, l’anarchie c’est un autre tour de pensée et c’est également un autre système. Pour moi, anarchie n’est pas l’exact synonyme de liberté. La liberté, c’est plus une question de respect de l’autre. C’est ce qui permet d’atteindre une sorte d’unité…. Comme dans une cité… il doit y avoir une réponse des autres. C’est ce qui fait tenir l’ensemble. Si vous restez seul, pas de cité possible. Mais deux, trois personnes doivent s’efforcer de fonder une unité. C’est le genre de système dont nous avons besoin. Une sorte de … sentiment partagé.

(…)

Guy tortosa : peut-être travaillez vous aussi sur les limites de la loi

K : «  disons que c’est comme dans le cas de la porte d’une ville. Je peux construire une porte, mais qui n’est pas ouverte en permanence… elle est parfois fermée, parfois ouverte, mais même lorsqu’elle est fermée il y a toujours un peu d’espace pour se faufiler. La fermeture n’est jamais vraiment hermétique, les gens peuvent toujours passer à travers.

Torotosa : « vous disiez qu’il y avait peut-être une spécificité du travail collectif au Japon, dans votre culture, travailler chez Toyota c n’est pas comme travailler pour des groupes occidentaux

K : «  je pense que j’ai le style Toyota

Tortosa : « en Occident nous avons eu pendant longtemps des entreprises assez dirigistes : Ford, Michelin… Mais c’est tout de même différent de s’occuper du bien-être de ses ouvriers et d’expérimenter l’échange des rôles, par exemple de voir un ingénieur qui prend temporairement la place d’un technicien ou d’un ouvrier.

K : «  c’est ce qu’on apprend chez Toyota

T  « êtes vous venu en occident pour exporter un modèle de gestion ?

K : « absolument pas, c’est juste ma propre façon de procéder avec les gens… Je ne les connais pas bien en fait, alors, j’essaie de les respecter, ouvriers ou pas. Travailler de concert avec eux est de loin beaucoup plus efficace pour le résultat final.

T : «  peut-on dire que votre travail a une dimension critique, que votre façon de faire est une sorte d’art critique qui s’interroge sur la place de l’artiste parmi les autres ? et si cette dimension critique est avérée, fonctionne-t-elle de la même manière au Japon ou en Asie qu’en France ?

K « je ne sais pas… les européens sont tellement individualistes, tellement jaloux de leur indépendance.

T « indisciplinés…

K « 90% des gens vivant au Japon sont japonais. On se comprend donc sans même avoir à ouvrir la bouche. La mentalité est insulaire, c’est géographique, mais en Europe, il y a  de tels mélanges… tellement de cultures différentes, de populations différentes, ça n’a rein à voir. Il y a une différence énorme entres les artistes européens ou américains et moi… je ne souhaite pas faire partie de cette histoire… de l’histoire de l’art occidentale. J’aime ce que je fais et j’aime être très entouré pour le faire, c’est tout.

T «  je me souviens vous avoir entendu utiliser le terme de terrorisme à propos de votre travail

K «  du terrorisme visuel ! à cause de ce que je faisais à une époque, ces excroissances eur des immeubles. Les gens y voyaient comme une sorte de danger et ils me disaient : « vous êtes un terroriste du regard ». Il n’y a aucun danger en fait. C’est seulement qu’on a l’impression que le bois va dégringoler du haut de l’immeuble.

(…)

T votre oeuvre serait-elle porteuse de valeurs que l’on pourrait qualifier de morales?

K « la pièce traduit une pensée sur l’époque. le monde, les gens. Parce que chacun de mes projets est spécifique. Je le réalise à un endroit précis et je ne peux plus le déplacer dans un autre endroit dans un autre musée… Tout est spécifique, et ses raisons d’être le sont également, elles concernent les aspirations et l’histoire des gens qui habitent l’endroit…

 

 

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