les paires de couleurs

« L’expérience nous enseigne tout d’abord ceci : si nous laissons du rouge agir relativement longtemps sur notre œil et nous éloignons brusquement cette couleur, l’impression colorée qui subsiste alors dans l’oeil n’est pas – et c’est cela qui est très surprenant – du rouge, mais du vert. Ou encore : si nous laissons du vert agir sur nous pendant un certain moment, l’effet optique qui lui succédera sera rouge. »
Paul Klee introduit ainsi son cours de 1922 sur la couleur au Bauhaus.

Il donne l’exercice suivant à ses étudiants (« la pensée créatrice » p473 et suivantes éd. dessain et Tolra) :

  1. exercice sur les paires vraies de couleurs
  2. « Prenons une bande allongée de papier blanc que nous diviserons en 7 cases.


     
     
    On applique ensuite rouge sur 6 cases sans recouvrir la case 7. Après séchage de cette couche, nous passerons une couche d’aquarelle vertes sur 7cases de cette bande de papier en laissant cette fois la case 1 de côté. Cette 2nde couche de couleur étant sèche nous constaterons la présence d’une case rouge , la case 1, et d’une case verte, la case 7. Mais les 5 cases comprises entre les 2 extrémités, c’est-à-dire les cases 2 à 6, restent sans couleur déterminée. Nous pourrons alors donner quelques reliefs à l’effet un peu faible de ces 2 premiers niveaux qui s’additionnent, en poursuivant ainsi l’opération on effectuent des alternances répétées de couleurs, puis on augmente le rouge à partir du haut et le vert à partir du bas en prenant 5 c ases rouge par le haut et 5 cases vertes par le bas puis 4 cases rouges par le haut et 4 cases vertes par le bas ensuite seulement 3 cases rouges et 3 cases vertes, de moins en moins de rouge par le haut et de moins en moins de vert par le bas.
    En langage pictural, cette technique de mélange des couleurs se nomme glacis. Elle consiste en une addition de petites quantités distinctes dans le temps. A chaque stade intervient quelque chose de nouveau : la modulation ne cessent de décroître si on la considère de gauche vers la droite et de croître si on la considère de droite vers la gauche. Le résultat d’ensemble, ou mieux, la somme, reste identique.

    La gradation au cours de l’addition des couleurs permet d’obtenir au stade final un mouvement chromatique nuancé qui s’étend du rouge au vert en passant par le rouge-vert, et inversement. »


     
     
     
     
     
     
    Il poursuit cet exercice en considérant le mouvement qui nous mène du rouge au vert, en passant par le gris, qui  » rappelle la balance mobile qui ne trouve son point d’immobilité qu’au point d’intersection déterminé par le gris. »

  3. « la dynamique de gradation »
  4. Je reprend le titre de ce chapitre à Otto Karl Werckmeister qui dans « paul Klee Polyphonies »(éd. Actes sud)analyse en détail les oeuvres « poterie » et « fugue en rouge ».


    « Dans contribution la théorie de la forme picturale,klee décrit en détail la technique de la « gradation » .
    (…)
    Comme il le note dans son journal, Klee a élaboré cette technique en 1908 pour déployer les tons sur une échelle allant du noir au blanc. Deux ans plus tard, Ils se déclare convaincu, toujours dans son journal, de la viabilité de cette technique qui nomme « méthode de mesure du temps », sauf pour ce qui est de la maîtrise de la couleur qui consiste qui continue de lui échapper. »
    Pour la technique de la couleur il va bientôt se référer la sphère établie par Runge.
    « La technique de la graduation gradation est intrinsèquement animée par un processus dialectique. L’effet visuel suggère une progression, ou un mouvement, du foncé vers Le clair, qui se fait en sens inverse de la manière dont le peintre procède, puisqu’il réserve dès le début la partie la plus claire. Conscient de cette dialectique Klee se sert de la de la gradation pour exprimer visuellement une thématique temporelle ayant un début et une fin. »
    Dans « fugue en rouge » la réduction de la taille des pots prend la forme d’une progression ascendante vers la partie la plus claire qui est en fait le.de départ du tableau. En évoquant cette temporalité Klee s’écarte de sa méthode habituelle qui consiste à élaborer des tableaux à partir d’une recherche purement formelle aboutissant à l’apparition d’un thème.

    Dans « gradation du cristal », il présente un cas extrême de cette rupture de la séquence. Si la signification thématique des dernières aquarelles se réduit à des signaux, des flèches traversant des bandes horizontales de couches parallèles, dans les premières, la gradation exprime une imagerie suggestive. En partant des titres comme un indice, le spectateur est censé imaginer ce qui se passe dans le tableau. Dans un récit imaginaire, les changements de tons des différentes couches prennent vie dans « poterie », seul un pot dans l’angle droit en bas présente une séquence de couleur brouillé qui n’atteint pas le même stade le plus clair à cause de sa forme fautive dans fugue en rouge virgule on remarque de même 2 chaînes de forme bulbeuse et déformées qui ne présentent pas toutes là gradation. »

    Je vous propose d’associer aujourd’hui de travailler sur ces « gradations » de Klee en leur associant un paysage dans l’esprit de ce que nous avons fait la semaine dernière à partir des photos tunisiennes. Pour obtenir un tracé qui soit possible à utiliser en « gradation », je vous propose de l’adapter à un dessin issu d’un autre cours de Klee :


    Voici quelques exemples rapides de la progression que je vous propose de faire sur des palmier ou sur des dunes. Comme vous le voyez, il s’agit de faire un dessin préparatoire, puis de choisir quelques réserves qui resteront blanches, et d »agrandir ces zones pour créer les « gradations ».

     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
    voici quelques aquarelles envoyées :

    Elisabeth m’envoie une superbe aquarelle du travail que nous avons fait la semaine dernière sur les aquarelles tunisiennes de Klee.
     
     
     
     
     
     
    Comme je vous l’ai proposé, tous se sont répartis suivant le sujet choisis, palmier ou dune.

    • le pamier

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       Les aquarelles qui correspondent le plus à l’exercice sont la première de Marie José et celle de Catherine, mais les motifs semblent ne pas se déduire assez les uns des autres. Cela nous empêche de voir la progression que recherche ici Paul Klee. Comme je le disais, il veut trouver un équivalent temporel à ce qu’il joue sur son violon. Il veut retrouver la progression des fugues de Bach. C’est pour cela qu’il conserve toujours la même forme. Cela pourrait induire une certaine rigidité dans son dessin. On voit sur « gradation de Cristal » que ce n’est as le cas. On sait d’ailleurs que Paul Klee restait critique envers les concerts les plus d’avant-garde auxquels il pouvait assister au Bauhaus. Hindemith y a interprété ses pièces qui annoncent la musique sérielle, mais Paul Klee reste critique et continua a jouer Mozart et Bach de façon privilégiée. De même, ses dessins aquarellés témoignent d’une grande liberté. On la retrouve sur les dessins de Catherine et de Marie Jose, qui n’hésitent pas à faire évoluer leurs dessins à mesure que les aplats d’aquarelle se superposent (c’est d’ailleurs moins le cas dans le second dessin de Marie Jose, ce qui me semble l’immobiliser un peu).

    • les dunes


     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     Tous ces dessins de dunes me semblent plus correspondre à l’exercices que les palmiers, sans doute à cause des formes qui peuvent davantage se suivre les uns les autres, comme on peut le voir sur la seconde aquarelle de Florence. Néanmoins, les aquarelles de Mariane et de Florence gagneraient sans doute à travailler davantage en recouvrant peu à peu les zones, les unes au dessus des autres, comme chez Marie-Hélène. Cela crée davantage une progression

  5. mouvement de ces « couleurs vraies »
  6. Klee continue son cours sur les couleurs au Bauhaus :
    « Pourtant, il ne faut pas en conclure que le rouge le vert ils doivent être représentés sous une forme statique, à gauche le rouge et à droite le vert. Ce mode de figuration serait incapable de traduire la notion de réciprocité dans toute sa force. Car il faudrait alors faire passer le rouge et le vert d’un côté de l’autre, et inversement.

    En résumé, je peux déclarer ceci sur la paire de couleurs rouge-vert :

    • les deux couleurs s’appellent alternativement dans l’oeil.
    • le gris se situe entre les deux couleurs.

    Je pourrais ainsi vous démontrer l’opposition diamétrale des 2 autres paires de couleurs, c’est-à-dire jaune et violet d’une part, bleu et orange d’autre part. Pour changer toutefois je me servirai d’une figure géométrique utilisable pour chacun des 3 diamètres du cercle chromatique. Nous avons dans ce cas une base violette opposée à une base jaune en haut, le violet s’étend sur la large base tandis que le jaune n’est représenté sur cette même base que par un seul point : du point de vue de la mesure, il est donc supprimé.


    En bas, c’est le jaune qui s’étend sur toute la largeur de la base, tandis que le violet n’est qu’un point sur cette même base jaune. Supposons maintenant que je relis le point jaune de la base jaune puis la base violette avec le point violet qui lui fait face point je tiens d’une part un triangle jaune virgules d’autre part un triangle violet. Les 2 triangles s’imbriquent l’un dans l’autre point chacun d’eux représente la diminution d’une couleur à partir de sa propre base. Je divisé ensuite chacune des 2 bases en 12 parties le point je peux alors, en me plaçant à n’importe quel endroit de l’un des segments de droite parallèle à la direction des bases mesurer la teneur en jaune ou en violet quoi l’effet sera à peu près similaire à celui que nous avons obtenus lors de l’addition ».

     

    « Je peux donc affirmer, à propos de la paire des couleurs jaune-violet que c’est exactement entre les 2 couleurs que se situe le gris ».

     

  7. Les fausses paires de couleurs


« Reprenons l’intention que j’avais exprimé plus haut et commettons une faute quelconque (une mésalliance) au niveau du groupement par 2 des couleurs. Nous aurons immédiatement une difficulté à démontrer l’apparition du gris dans le mélange des couleurs. Il est cependant utile de voir d’un peu plus près comment on s’écarte des vraies paires de couleurs car il n’est pas démontré que la composition chromatique doit se limiter à l’utilisation des couleurs complémentaires. C’est pourquoi je peux, par exemple, relier le verre et le orange sur le cercle chromatique non pas avec un diamètre et avec un simple segment. Par conséquent, la base orange il ne va pas être parallèle à la base verte ; au contraire les 2 bases vont se recouper on a un point quelconque. Pour pouvoir évaluer le résultat du mélange des 2 couleurs je pars du fait que le vert se situe exactement entre le jaune et le bleu et que l’orange se situe exactement entre le jaune et le rouge. Ainsi vert + orange = jaune + bleu + rouge + jaune. »

c’est exactement ce que cherche Klee dans les deux oeuvres que je montre en tête de chapitre, au premier rang desquelles « tente double » (1923,114)


Pour la progression du bleu vers l’orange, il s’agit d’un réchauffement. Il s’oppose au refroidissement de l’orange vers le vert dans le fond. Cette inversion des mouvements à l’intérieur ou à l’extérieur des cônes crée un mouvement contradictoire qui est à l’origine de cette œuvre : Klee a de plus coupé en deux sa composition pour décaler ces deux mouvements et les rendre dynamiques (les deux bandes qui dépassaient en bas à droite ont été ajoutées en haut à gauche).


Je vous propose aujourd’hui d’essayer d’appliquer cette réchauffement et refroidissement à un dessin plus réaliste, comme ce que nous avons fait la semaine dernière : pour cela, nous partirons d’un paysage de E. Schiele dont la structure géométrique nous servira de point de départ. La structure de ce paysage pourra être modifiée, de façon plus ou moins abstraite, traitée plus ou moins proche des aquarelles de Klee aui crée des mouvement dynamique par ses superpositions de glacis d’aquarelle.


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Voici un exemple du travail que je vous propose de faire aujourd’hui à partir du paysage superbe de Egon Schiele, traité par étape avec les glacis progressifs, les « gradations » de Paul Klee. La difficulté est de créer un rythme dans les formes, puis de décider dans quelle direction faire les gradations. Pour mon exemple, je suis parti du sommet de la colline, vers le bas pour les tons chauds, et vers le haut pour les tons froids, tout en faisant des recouvrements de glacis d’aquarelle(sur les arbres et les routes) entre eux pour unifier la composition.



 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
  
 
 

voici les premières aquarelles que je reçois :

Cette aquarelle de Catherine montre un travail comme la semaine dernière : les dunes sont recouvertes peu à peu, ce qui crée une progression vers l’horizon. Et la végétation n’altère pas trop cette progression vers l’arrière plan. peut-être aurais tu pu laisser des réserves dans les palmes pour montrer la lumière qui doit s’y refléter.






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