1920-23 Dada à Paris

 dada45.jpg
N° 4-5 de la revue Dada, Zurich, mai 1919, illustrée par Francis Picabia

Dada est connu très tôt à Paris. dès 1914, on y voit le jeune Arthur Cravan boxant et dansant en escarpins, tout en insultant le public. Depuis Avril 1912, il dirige la revue Maintenant qui publiera jusqu’à la guerre quatre numéros qui, par son ironie et sa provocation, n’est pas sans annoncer Dada. pendant la guerre, Pierre Reverdy et sa revue Nord-Sud, Pierre Albert-Birot et sa revue Sic, restent liés à des dadaïstes. Ils accueillent très vite des personnalités comme Soupault, Aragon, Breton. Dès 1919, Breton, Aragon, Soupault, Ribemont-Dessaignes collaborent au numéro 4 – 5 de Dada à Zurich. Soupault, Aragon et Breton fondent dès la fin du conflit la revue Littérature à laquelle certains dadaïstes participent. La correspondance entre Breton et Vaché témoigne de l’esprit dada. Picabia publie aussi les numéros 9 et 10 de sa revue dada 391 à Paris, qui reprend l’esprit dada découvert à New York avec Duchamp : de New York parviennent  aussi des nouvelles sur les actions de Marcel Duchamp et de Man Ray. C’est sans doute Picabia qui propagera à Paris l’esprit dada et c’est chez lui qu’habitera Tristan Tzara à son arrivée.

Dès son arrivée à Paris, Tzara devient le pôle d’attraction de toute l’avant-garde parisienne. Littérature organise une matinée le 23 janvier 1920 où sont présentées les oeuvres de Juan Gris, Ribemont-Dessaignes, De Chirico, Léger, Picabia et Jacques Lipchitz. On y récite des poèmes de Breton tandis que Tzara lit un article de journal accompagné de clochettes. Les huées s’intensifient avec la présentation des tableaux de Picabia.

 revueproverbe.jpg
En 192O, Paul Eluard lance la revue Proverbe

Tzara publie ensuite Dada 6Bulletin dada, suite de la revue zurichoise, auquel collaboreront Breton, Picabia, Ribemont-Dessaignes, Eluard, Duchamp, Cravan. Une seconde manifestation dada a lieu le 5 février 1920 au Salon des Indépendants. Par la suite, elles ne cessent de se multiplier, mais contrairement aux autres villes, Dada à Paris reste surtout littéraire. Ainsi, Picabia a publié en 1919 deux recueils de poèmes, Poésie ron-ron et Pensées sans langage. C’est aussi dans le numéro 12 de la revue391 que paraît la reproduction de la Joconde à moustache avec l’inscription L.H.O.O.Q. sous titrée   »Tableau dada par Marcel Duchamp » . En 1920, Picabia fonde encore la revue Cannibale qui passera du numéro 2 au numéro 13 en présentant des dessins mécaniques de Picabia, une peinture sur verre brisé de Duchamp, une sculpture de Man Ray. Dans le même esprit, en 1920, Eluard lance la revue Proverbe. Presqu’en même temps, Breton et Soupault publient « Les chants magnétiques« , magnifiques spécimens d’ »écriture automatique ». L’exposition dada de Picabia (avril 1920) au « Au sans pareil » montre ses peintures réalisées à New York. La même année a lieu l’exposition Ribemont-Dessaignes. En fait, l’année 1920 marque le point culminant du mouvement dada en France comme à l’étranger. En mai, un spectacle de pièces dadaïstes (Paul Dermée, Ribemont-Dessaignes, Breton, Soupault, Tzara, etc.) est présenté devant un public déchaîné. Le 26 mai, salle Gaveau, se tient un festival dada. On y trouve Soupault, Eluard, Ribemont-Dessaignes, Picabia, Aragon, Breton (un revolver sur chaque tempe). Tous les dadaïstes portent sur la tête des tubes et des entonnoirs. Habitué aux manifestations dadaïstes, le public a apporté une grande quantité d’oeufs pour saluer le slogan dadaïste « Dada est le bonheur à la coque ».

festivaldadagaveau1920.jpg
   Affiche du Festival Dada du 26 mai 1920, salle Gaveau à Paris

En mai 1920, la revue Littérature consacre encore un numéro entier au mouvement dada et publie vingt-trois de ses manifestes. Philippe Soupault est alors une des personnalités les plus étonnantes du dadaïsme parisien, par sa capacité à mêler le rêve et la vie. Il demande sa propre adresse aux passants, arrête un bus entre deux stations pour s’enquérir de la date de naissance des passagers, propose aux consommateurs d’échanger leurs boissons, se rend à un dîner où il n’est pas invité, etc.

fin du mouvement :

Picabia s’en sépare en 1921. Breton présente encore Max Ernst en mai 1921, en exposant ses collages, ses dessins et ses peintures: Ernst est allemand et est interdit de séjour en France. le vernissage reste une soirée légendaire : un dadaïste caché dans une armoire insulte les invités, Breton croque des allumettes, Ribemont-Dessaignes ne cesse de crier  » Il pleut sur sur un crâne ». Aragon miaule tandis que Soupault et Tzara jouent à cache-cache.

Bientôt Breton décide de s’en prendre aux personnalités les plus marquantes de l’esprit bourgeois : il organise en mai 1921, à la salle des Sociétés savantes une « mise en accusation et jugement de Maurice Barrès », ce dernier étant représenté par un mannequin.

En juin 1921 est encore monté un Salon Dada à la galerie Montaigne. Le catalogue reproduit des oeuvres de Arp, Ernst, Duchamp, Ribemont-Dessaignes et des poèmes des principaux dadaïstes. Breton, toutefois, s’est abstenu de même que Picabia et Duchamp. A partir de 1921, les amitiés qui ont été le ciment du mouvement ne vont pas tarder à se rompre, celle de Picabia et de Breton; de Picabia et de Tzara.

 salondadamontaigne.jpg
     Invitation au Salon Dada,
galerie Montaigne, Paris, – 1921 -

Dada va lentement s’éteindre vers 1922. C’est à ce moment qu’André Breton décide d’organiser un congrès pour défendre l’esprit moderne. Les mesures assez autoritaires qu’il envisage pour éviter le sabotage du congrès par certains dadaïstes vont entraîner le refus de participer de Tzara. Le comité formé, assez vaste, qui est censé représenter différentes tendances de l’art moderne, publie un texte le 7 février 1922, attaquant notamment Tzara, qualifié d’ »imposteur avide de réclame », en des termes que certains jugeront xénophobes. Tzara est défendu par Ribemont-Dessaignes tandis qu’Aragon soutient Breton. Une rencontre a lieu à la Closerie des lilas et le congrès de Paris est annulé. Les participants sont désormais trop divisés. Quand, après mars 1922,Littérature va reparaître (Breton, Soupault), on n’y trouve plus le nom de Tzara mais ceux de Jacques Baron, René Crevel, Robert Desnos. Lentement la revue en s’éloignant de Dada annonce le surréalisme dont Breton publiera le premier manifeste en 1924.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

  • Archives

  • Catégories

  • Recherche