dégradé de valeur

Après les séances sur le contour et la hachure, nous voici arrivés au travail de valeur.
contrairement aux deux dernières séances, il nous sera interdit aujourd’hui de cerner les motifs et de créer des valeurs par la hachure.

Nous utiliserons la pierre noire sur du velin d’arches, un papier très tendre et un peu velouté réservé normalement à la gravure. Ceci nous permettra des dégradés nuancés.Mais ce papier ne supportera pas la gomme. Tout au plus pourrons utiliser une gomme mie de pain, en pression.

Notre modèle sera Seurat qui après avoir intégré l’école des beaux de paris en 1880, décida de se consacrer au noir et blanc plutôt que d’aller vers la couleur qui pourtant l’attirait déjà davantage. De 1880 à 1883, Seurat s’est concentré sur ce travail de dégradé. La pierre noire, qui peut être remplacée aujourd’hui par le carré conté (HB, B ou 2B) (même si c’est un peu poins velouté que la pierre noire) sera frottée sur le papier sans appuyer. le crayon doit reposer de son propre poids sur la feuille. vous pouvez faire de très légères hachures qui, par entrecroisements, vous peu à peu disparaître. on assiste à cette évolution si on prend les dessins exécutés par Seurat entre 1880 et 1882 : la hachure disparaît peu à peu.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Sur le second dessin, la hachure disparaît déjà.

 

Le but de ce travail est de faire passer la lumière du fond laissé vierge dans les motifs.
La lumière relie les objets entre eux et conduit notre œil à travers les différents objets dessinés. Nous composons une nature morte. Seurat insistait avec ses amis sur les découvertes permanentes qu’il faisait au fil de son travail. Le dessin lui permettait de découvrir des reflets et des lumières qui peu à peu animaient son regard. Signac s’ennervait même de cette précision extrême, comme si Seurat se perdait sans cesse dans un véritable work in progress, un travail sans fin.

 
 
 
 
sur ce travail fait par une élève, Françoise réussit à relier ainsi les motifs et orienter notre regard.

 

je vous propose de réaliser un dessin par cette méthode d’après la nature morte ci-dessous :

Le monotype
 

 

voici les dessins que j’ai reçus aujourd’hui.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Il faut d’abord souligner le caractère exceptionnel de ce travail. Beaucoup n’ont pas le matériel que je préconisais ci-dessus. En ces temps de confinement, on doit se débrouiller. Si on joue le jeu, comme dans la vie en général, le résultat est payant, non?
par exemple, Vinca me disait ne pas avoir de pierre noir ou de carré conté. Ce qu’elle a réussi au crayon de graphite, s’il ne permet pas les mêmes nuances de dégradé, montre cependant une véritable compréhension des ombres et reflets, notamment dans l’œuf ou le verre. Les deux cylindres de révolution, bouteille et verres sont trop cernés. Il faut profiter de ce qu’on ne voit pas pour seulement suggérer le volume. la courbe sous le verre est trop horizontale par rapport à celle du dessus.
Je ferais les mêmes remarques pour Elisabeth, et attention à moins appuyer sur le crayon conté. Les ombres doivent être moins marquées.
Eléonore a parfaitement réussi le dégradé sur l’œuf, et n’a pas trop cerné le verre et la bouteille. mais le passage entre les différents motifs est insuffisamment travaillé.
Nicole a trop estompé le haut de la bouteille et du verre. Cela enlève les petit point lumineux qui entourent chaque grain de conté. La qualité du dégradé dans les ombres portées , l’œuf et le bas du verre sont très bons.

On ne va pas s’arrêter là. Je vous propose donc de continuer ce petit jeu de confinement en vous appuyant sur un exercice un peut plus riche et difficile : Voici une peinture de H. Cueco, un de mes professeurs aux Beaux-arts de Paris dans les années 1990. Son enseignement était très libre, humble et lumineux. Je vous propose de partir d’une petite cuillère avec un éclairage latéral comme sur sa peinture. Et vous m’enverrez le dessin et la photo de la cuillère depuis votre point de vue pour que je puisse vous la commenter. au travail

Ce 19 mars, je continue à recevoir vos réponses :

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Dans l’ensemble, le travail de dégradé de valeur est de plus en plus doux. les trois dessins de Héléna, Véronique et Marie-Noelle témoigne d’une véritable analyse des ombres et de leurs infinies variations. Celui de Véronique pourrait cependant être poussé plus loin. et l’oeuf reste trop isolé des autres objets. Héléna les relie davantage entre eux, mais les noirs sont peut-être un peu trop forts(et la planche n’est-elle pas superflue?). Le dessin de Marie-Noelle me semble très bien dans l’ensemble, mais les traits restent trop visibles. Essayez de monter vos ombres plus doucement.
le dessin de Marie-Hélène montre des objets plus soudés les uns aux autres, et avec des nuances impportantes dans le traitement des ombres. Attention cependant à mieux poser les objets. Le verre semble voler car sa base devrait être plus basse que celle de la bouteille (car nous sommes en vue en plongée, et il est plus proche de nous).


 
 
 
  
 
 
  
 
 
 
 
 
 
  
 
 
 
Ci-dessous les rendus d’autres natures mortes, notamment d’après la photo de Agraci. « Chez matisse à vence »( 1946), que je vous avais envoyées. Outre les ombres, le travail sur l’espace y est superbe et répond parfaitement à l’équilibre des tableaux de Matisse.

Marie-Jose, après une première esquisse où les objets sont posés dans l’espace du dessin, a vraiment relié les lumières et les ombres de façon à guider notre regard entre les différents motifs.
La comparaison de ce dessin avec celui de Marie-Noëlle Guignard est éclairante. Pendant que Marie-Jose s’intéresse au multiples reflets des objets sur la table, Marie-Noëlle concentre les lumières et les ombres en grandes zones plus affermies. Ces deux dessins sont superbes et témoignent d’un regard personnel.


 

 
 

 
 

 

 
 
 

ce dessin d’Eleonore est beau, mais contrairement à ce que j’avais fixé comme but, les contours réapparaissent et la magie que Palézieux ou Seurat avaient crée semble disparaître.

 
 

 

 
 

 

Ce dessin de Véronique est très doux, mais cette uniformité ne permet pas à notre regard de choisir quel motif regarder. Mis à part sous la table à gauche où les contrastes sont plus forts. Ces contrastes devraient nous permettre de nous concentrer sur vos choix. C’est ce qu’on attend de l’artiste : une position qu’il tienne et qui nous apporte une richesse de regard, qui soutienne une pensée. Pourquoi ici laisser le regard flotter autant devant la fenêtre? pourquoi nous attirer sous la table?

Palézieux et Seurat avaient réussi à faire naître les objets sous nos yeux, comme dans ce dessin extraordinaire du « dîneur » de Seurat de 1883-84, juste avant qu’il ne reviennent à la couleur avec la « baignade à Asnières »
avec ce « dîneur » et qeulques autres dessins extraordianires, Seurat nous réapprend à voir.

Pendant un long moment, comme devant les photographies de Man Ray par exemple, on ne sait plus ce que nous voyons. Ces artistes nous perdent en évitant de simplement décrire. ils nous perdent dans une « inquiétante étrangeté » que les surréalistes se plaisaient à susciter. Le simple pivotement des images chez Man Ray, ou le dégradé infiniment doux de Seurat nous obligent à ne pas voir pendant un certain temps…. mais sans que nous perdions pourtant le lien avec notre réalité. Dès que nous la voyons, le réel devient alors magique et extraordinairement présent. C’est ce que Rosalind Krauss souligne dans ses analyses de la photographie surréaliste : comme le pensait Breton, la beauté devient « convulsive ».

Bravo pour ceux qui se sont affrontés avec les cuillères de Cueco. Les résultats sont superbes.



Ces deux dessins montrent un très bonne utilisation des dégradés de valeurs dans une composition très intéressante. Celui de Eléonore est très doux et léger, et les parties claires de la cuillère qui reflétaient la lumière lui permettent de relier la cuillère au fond de la feuille, c’est-à-dire à la lumière (j’aurais peut-être moins marqué le haut de son manche pour concentre le regard sur l’autre bout du motif qui me paraît plus intéressant. Le dessin de Marie José est plus marqué, mais et le passage du motif au fond se fait davantage par les ombres. Le travail plus structuré de l’espace est très plus solide.

avant de passer au cours suivant, encore quelques réponses qui me sont arrivées et qui témoignent que la qualité des liens établis entre les motifs. Valérie s’est attachée à la diffraction de l’oeuf à travers le verre taillé. ce travail sur le dégradé nous pousse en effet à nous détacher du réel pour le réinventer. Amélie réinvente donc la nature morte de Palézieux : l’accent porté sur la droite du mot et son bec verseur le transforme en un personnage qui semble danser, pendant que Marie-José s’attaque à une nouvelle nature morte : les objets y sont véritablement réinventés.



 
 

 

 
 

  
 

 

 
 

 

Le monotype


 
 

 

 
 

  
 
ces deux derniers dessins témoignent d’une grande observation. Mireille réussit à rendre compte de la diffraction de l’œuf dans le verre taillé. C’est le centre du dessin, et à ce titre, il aurait du être davantage mis en valeur. Autour de l’œuf et de son découpage dans le verre, cette étude aurait pu être poussée plus loin. et au contraire, le contour supérieur du verre, sans intérêt réel, aurait pu être oublié.
 
La cuillère de Jean-luc est intéressante dans sa précision. Jean-Luc a le souci du détail. Les différences de contraste entre les contours supérieur et inférieur sont rendus avec soin. Ma première réaction a été de regretter l’obscurité dans la partie supérieure de la cuillère. Pourquoi nous attirer à cet endroit? En regardant son modèle, qui présente la même particularité, je me suis étonné de la précision de son regard qui arrive à rendre le reflet d’une lumière dans l’arrière plan de la table ( car le trait horizontal est la fin de la nappe entre la cuillère et nous, qui se reflète dans la cuillère). Mais là encore, on se demande pourquoi ce soin est aussi grand. Ne faudrait-il pas lui donner une saveur particulière? le rendre plus gros dans la composition par exemple? Ou encore lui donner la possibilité, comme Van Eyck dans les « époux Arnoflini » de se représenter lui-même dans son dessin? la cuillère pourrait ainsi devenir un autoportrait déguisé. Ci-dessous la célèbre peinture commandée à J. Van Eyck, dans laquelle il se glisse subrepticement pour bien montrer la place du créateur dans ce magnifique portrait.


2 commentaires

  1. Bonjour Hugues, avez vous reçu mes 2 derniers travaux, envoyés sur WhatsApp : la petite cuillère et chez Matisse. Je ne les vois pas sur cette publication. D’avance merci, Elena
    Bon dimanche

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