1918. dada à Berlin

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Première foire internationale Dada, le 5 juin 1920 – Berlin

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Affiche-programme pour la première foire internationale Dada de 1920 à Berlin

Dada était né pendant la guerre en des endroits relativement préservés par le conflit, à Zurich en pays neutre, et à New York. Dès la fin des hostilités, les artistes de retour à Berlin vont au contraire rêver d’intervenir dans un contexte tout à fait différent, qui explique l’orientation beaucoup plus politique prise alors par le mouvement.

en effet, au début de 1918, alors que l’Allemagne tente de briser le blocus par une offensive sous-marine, on assiste à des mutineries nombreuses dans l’armée allemande. en janvier, 200000 ouvriers des usines d’armement sont en grêve à Berlin, à l’appel des spartakistes qui s’opposent à la guerre et au gouvernement. Menacés du tribunal militaire, ils se remettent bientôt au travail, et les allemands arrivent aux portes de Paris en avril, qu’ils bombardent avec la fameuse « grosse Bertha » en juin. Pourtant, ils reculent bientôt et Guillaume II abdique. La chancellerie cède ses pouvoirs au SPD social démocrate qui forme le gouvernement Ebert. Bientôt, Liebknecht riposte à la proclamation de la « République d’Allemagne » par l’annonce de la naissance de la « République socialiste libre d’Allemagne ». Les spartakistes mènent l’insurrection, tiennent la presse, et tente de propager le mouvement de gauche qui vient de Russie (la révolution russe de 1917 influence toute l’Europe) mais finissent écrasés. Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont arrêtés et assassinés sans jugement, assassinat plus ou poins couvert par la hiérarchie militaire.

Parallèlement à ces heurts politiques, on assiste à la montée d’une droite déjà forte et à la décision des réparations demandées par la France (désapprouvées par la Grande Bretagne).

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Johannes Baader, tract Le Cadavre vert, distribué le 16 juillet 1919 à l’Assemblée nationale de Weimar.

Dada à Berlin s’organise donc autour de Deux tendances, l’une plus authentiquement dada avec Raoul hausmann le « dadasophe », Hannah Höch sa compagne et Johannes Baader, et l’autre plus gauchiste avec Grosz et les frères Herzfelde (Wieland crée bientôt les éditions Malik (Malik= »chef des bandits »). Même avant la création du mouvement à Berlin, on voit apparaître de nombreuses revues qui divulguent des contre la guerre, comme Die Aktion de Pfemfert, ou Neue Jugend (« nouvelle jeunesse ») des frères Wieland et Helmut Herfelde (dès 1916), ou encore Die Freie Strasse (« La rue libre « ) plus anarchiste deFranz Jung et Raoul Hausmann dans laquelle Baader publiera plusieurs de ses textes.

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La revue Club Dada – Berlin -1918

C’est Huelsenbeck qui fonde le mouvement : il se rend à Berlin au début des années 1917, et publie en mai 1917 un texte dans Neue Jugend . le 22 janvier 1918, a lieu la première soirée dada au cabinet graphique de Neumann, pendant laquelle Huelsenbeck distribue le premier manifeste :

l’art dépend dans son exécution et sa direction du temps dans lequel il vit, et les artistes sont les créatures de leur époque. L’art le plus élevé sera celui qui représente dans le contenu de sa conscience les multiples problèmes de l’époque ; celui qui est ébranlé par les explosions de la semaine précédente, ramasse ses membres sous les coups du dernier jour. les meilleurs artistes, les plus inouïs, seront ceux qui, à chaque heure, reprennent les lambeaux de leur corps dans le brouhaha des cataractes de la vie, et, s’acharnant à l’intellect du temps, saignent des mains et du coeur.

Dans sa conférence, prononcée en février 1918 à Berlin, il résume l’aventure de Zurich, attaque violemment les différentes tendances de l’art moderne, y compris l’expressionnisme, le futurisme, le cubisme, toutes dépassées selon lui. La soirée se termine par la lecture de ses Prières fantastiques . En 1918, il organise une autre soirée au cours de laquelle, il lit un manifeste signé de Tzara, Franz Jung, Grosz, Marcel Janco, Huelsenbeck, Gerhard Preiss, Hausmannn, Mehring… La revue Club Dada devient l’organe de diffusion de leurs idées. Le Club Dada est dirigé par Franz Jung, Hausmann et Huelsenbeck. Grosz n’y participera pas.

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George Grosz: « A ta santé Noske » dessin pour Die Pleite (La Faillite) N° 3, avril 1919

 A Berlin comme à Zurich, Dada se veut un « anti-art » et son anarchisme l’écartera, non sans difficultés, du communisme auquel on l’a parfois assimilé. Admirateurs des spartakistes, tentés par le marxisme, les dadaïstes berlinois restent idéologiquement assez divisés. certains, comme les frères Herzfelde sont des communistes orthodoxes, mais ce n’est pas le cas de Huelsenbeck, Baader, ou Grosz

A partir de juin 1919 « Der Dada » sera le véritable journal du mouvement berlinois, mais la revue crée par Raoul Hausmann, ne publiera que trois numéros. Elle publie les berlinaois Baader, Hausmann, Huelsenbeck, Grosz, Heartfield, Herzfelde ou  Mehring, mais aussi des artistes issus d’horizons plus éloignés comme Tzara qui était à Zurich, ou Picabia qui naviguait entre Paris New York et Barcelone… mais aussi ceux de Chaplin, Duchamp ou le musicien Erik Satie.

Le véritable sujet est la sauvagerie de l’époque qui a permis la guerre, montrée par les célèbres photomontages de Heartfield et Hausmann, ou par les caricatures de Grosz. Comme à Zurich, un cabaret est ouvert, où sont organisées des soirées publiques entre août 1918 et mars 1920.

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La revue Der Dada N° 2 – Berlin 1920

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Première foire internationale Dada, le 5 juin 1920 – Berlin

La première foire internationale dada [Erste internationale Dada-Messe], qui se tient à Berlin le 5 juin 1920 à la galerie du Dr. Otto Burchard réunit soixante-seize pièces dont quelques-unes deviendront très célèbres comme « L’art est mort. Vive l’art des machines de Tatline » de Hausmann (« Die Kunst ist tot. Es lebe die neue Maschinenkunst Tatlins  » ou  » Dada est politique ».

« le critique d’art » de Raoul Hausmann en 1919-20

On voit ci-dessus le travail de juxtaposition des images inventé par Hausmann pour rendre ses images aussi explicites qu’un texte de propagande : le critique d’art manie le stylo comme une lance… Il ne pense pas avec son cerveau – une chaussure en occupe la place, et un billet sort de son cou, qui atteste du prix auquel ont été vendues ses textes critiques… face à ce pouvoir critique vendu et détestable, le véritable art apparaît dans le fond de ce photomontage avec le poème phonétique de Hausmann. Dans la continuité des vers libres futuristes, il avait en effet rêvé d’une poésie libre de tout sens préexistant, sans collusion avec le pouvoir qui avait fait advenir la guerre.

Mais dans le nouveau « Taline at home » crée en 1920, la création d’un véritable espace par une perspective importante (suggérée par le parquet) ainsi que le mannequin à droite, atteste de l’influence des oeuvres publiées par de Chirico. On s’éloigne d’une création abstraite comme elle était pratiquée à Zurich pour se rapprocher de véritables tracts politiques : l’homme se retourne les poches pour montrer qu’elles ont été vidées par la politique menée par la république de Weimar. L’espoir ne peut plus venir que d’un homme qui imagine l’avenir, comme Hausmann croit le déceler en Tatline, le constructiviste russe.

»Taline at home »par Hausmann

Le mouvement s’étend encore avec Max Ernst, Rudolf Schlichter, Arp, Picabia ou Otto Schmalhausen. Ultime provocation, on y voit même le mannequin d’un officier allemand à tête de porc, ce qui provoque la fermeture de la manifestation par la police.

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Couverture de Dada Almanach, juin 1920

Peu après la foire paraît enfin le « Dada Almanach » equi réunit pour la première fois des textes de  Ribemont-Dessaignes, Picabia, et  Soupault traduits par Mehring et des manifestes de Tzara, mais aussi des interventions d’Aragon, Alexander Archipenko, Breton, Cravan, Ribemont-Dessaignes, Sophie Täuber, Edgar Varèse, Igor Stravinski, etc. 

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Hannah Höch et Raoul Hausmann au vernissage de la
première foire internationale Dada -1920 – Berlin

Un commentaire

  1. Bonjour. Auriez vous une bibliographie à me proposer sur le thème de la première foire internationale dada?

    Merci d’avance

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