Lumière Delaunay


Dans « la couleur dans la peinture moderne » (éd. Adam Biro 1997), Guila Ballas écrit que pour Robert Delaunay (1885-1941), « la recherche de la lumière est l’essence même de l’art moderne ». C’est en effet le titre qu’il donne à son premier essai théorique, rédigé en 1912, traduit en allemand par Paul Klee pour la revue der Sturm dès le début de 1913.

Guila Ballas continue : « Chez Delaunay, la lumière ne suscite par seulement la couleur, elle est la couleur même, telle qu’on la voit dans le tableau. Rendre la lumière par la couleur seule, sans recours au clair-obscur conventionnel, telle était son ambition : la couleur doit être lumière, puisque les contrastes et les harmonies de couleurs provoquent dans l’œil des vibrations simultanées proches du mouvement de la lumière dans la nature ».

Delaunay part des travaux théoriques de Chevreul, et de l’expérience des impressionnistes et des néo-impressionnistes. Selon lui l’art de Seurat reste trop limité au seul usage des complémentaires, et à leur mélange optique.  » il emploie le terme de « simultanéité » pour la première fois dans son manifeste « lumière », à propos de la lumière dans la nature, celle qui crée « un mouvement de couleurs » engendré « par les rapports des mesures impaires de contrastes des couleurs entre elles qui constituent la réalité. Cette réalité est douée de la Profondeur et devient alors la simultanéité rythmique« .

Delaunay souligne un peu plus loin dans son texte que la simultanéité est « une harmonie, le rythme des couleurs qui crée la vision des hommes ».


Dans des notes écrites en octobre 1913, pour Fénéon, il précise :

« le mot simultanéité est un terme de métier (…). Le simultané est une technique. Le contraste simultané est le perfectionnement le plus nouveau de ce métier (…). C’est la profondeur vue Réalité-Forme-Construction-Représentation. La profondeur est l’inspiration nouvelle. On vit dans la profondeur, on voyage dans la profondeur. J’y suis. Les sens y sont. Et l’esprit! »

« la ligne, c’est la limite. La couleur donne la profondeur (non perspective, non successive, mais simultanée) et sa forme et son mouvement ».

Comme on peut le voir dans la toile ci-dessus, Delaunay se pose aussi des questions de compositions. Comme souvent les cubistes à cette époque, il utilise le format ovale pour concentrer notre regard sur le centre de la composition : les forces sont centripètes et nous ramène au sujet principal, la fenêtre et la tour Eiffel. Le ton vert nous pousse soir à fabriquer physiologiquement la complémentaire rouge, soit à la trouver dans le tableau. Notre recherche trouve le rouge magenta de droite, en forme de spirale. ce rouge n’étant pas vraiment la complémentaire, nous continuons à chercher. Le vermillon à sa gauche ne fait pas vraiment l’affaire, mais notre mouvement oculaire continue et trouve le vert qui lui fait facer dans la spirale. Ce mouvement est encore accentué par le contraste de clair obscur. Bientôt la spirale tourne. Cette spirale fait clairement allusion à l’hélice que tous les peintres avaient observées au salon de l’aviation en 1912, au grand Palais, à côté du salon des indépendants. Duchamp a dit que cette hélice était plus réussi que tous les tableaux présentés alors. Nous sommes en effet à un moment charnière que l’historie du cubisme et de l’art moderne. Les futuristes viennent d’exposer avec beaucoup de bruit à la galerie Bernheim et les cubistes cherchent à leur opposer des idées plus fortes que leurs représentations de la machine et de la vitesse.

Robert Delaunay mêle des motifs de mouvement – la spirale – avec le mouvement induit par les couleurs simultanées et le motif de la grande roue, ou la succession des arbres ou des fenêtres en bas à droite qui nous invite à parcourir la rue, de manière très futuriste ( mais on retrouvait déjà ces successions de motifs chez Léger dans « noces »). dans toutes ces fenêtres, il s’agit d’utiliser les contrastes simultanés mis en évidence à la suite des travaux de Newton et Goethe vers 1800.


   
   
   
   
   
   
   
   
   
 
 
 
 
 
 
Le « traité des couleurs » de Goethe, écrit entre 1790 et 1823 insiste sur notre perception et non plus sur la seule décomposition de la lumière blanche qu’avait découverte Newton. Notre perception est fondée sur la polarité des couleurs et leur contraste.

 

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