Esquisses peintes de l’époque romantique

Esquisses peintes de l’époque romantique” Delacroix, Cogniet, Scheffer…
au Musée de la Vie Romantique, Paris

du 17 septembre 2013 au 2 février 2014

Médée furieuse. vers 1836. Musée de Lille

Médée furieuse. vers 1836. Musée de LilleCette

Cette exposition est rare : elle nous permet de voir des esquisses souvent cachées dans les réserves des musées. L’esquisse a toujours été pour le peintre le premier jet de son idée. Dès qu’il tient un sujet, ou reçoit une commande, l’artiste fait des croquis. Parfois, cette envie d’esquisser plus rapidement, prolifère. Parfois, elle devient l’essentiel de son travail. Mais pour les romantiques, il s’agit surtout de retenir les premières idées, qui pourraient disparaître à force de les travailler. Comme le laissait déjà penser les écrits des philosophes des Lumières, Rousseau par exemple, il faut tenter de conserver la fraîcheur de l’idée, sans la corrompre par trop de science ou de savoir-faire.

Le terme d’esquisse vient sans doute de deschizzare « jaillir, gicler » :  l’esquisse et la « tache que fait un liquide qui gicle » (dep. xives., Boccace, ibid.). En effet, elle montre l’idée du peintre, mais la forme n’est pas encore arrêtée, définitive. Elle reste souvent à l’état de tâche, de « giclure ». C’est dire combien l’esquisse n’a pas toujours eu les honneurs qu’on lui prête aujourd’hui.

Ses faveurs actuelles commencent justement pendant le romantisme. Delacroix, par exemple,  lui trouve un intérêt tout particulier car elle conserve l’idée première du peintre. Pour nous aussi, habitués aux réflexions esthétiques contemporaines, nous trouvons dans l’esquisse une annonce de l’oeuvre en devenir.

 

"Troncs à Fontainebleau" de Corot

« Troncs à Fontainebleau » de Corot

Corot fut sans doute un des premiers peintre à les exposer. Mais , après lui, les impressionnistes en feront une règle : l’esquisse serait supérieure au tableau fini, car elle conserve cette force en devenir. elle annonce tout le tableau à venir, sans le figer en une image achevée. Chez Corot, cette préférence pour le premier jet le pousse à développer  les clichés verre , véritables « dessins-photographiques » : Corot ou Delacroix en ont réalisés tous les deux. Il s’agit de graver une plaque de verre préalablement obscurcie. Il s’agit en fait de réaliser un négatif photo à la main (la photographie vient en effet d’être inventée).

"Arbres dans la montagne", Cliché-verre de Corot

« Arbres dans la montagne », Cliché-verre de Corot

On se souvient de la boutade de Picasso selon laquelle il ne faut pas « achever » un tableau! il ne faut pas l’achever comme on achèverait un cheval malade! le tableau ne peut être fini que par le spectateur, comme le développera Cézanne dans toute son oeuvre jusqu’aux ultimes « montagnes sainte Victoire ». Cela annonce aussi la réflexion de Duchamp selon laquelle, « Ce sont les regardeurs que font les tableaux ».  

 

Le problème soulevé par l’exposition est complexe : avec les romantiques, on peut en effet vouloir conserver le premier jet. Avec les impressionnistes, on peut aussi vouloir conserver la trace d’une impression éphémère. On peut préférer le tableau inachevé car il conserve les traces de la vie réelle et de la vie intellectuelle qui a mené à la création de l’oeuvre. Mais au XIXème siècle on assiste peu à peu à la disparition de l’oeuvre définitive. il ne reste bientôt plus que l’esquisse, comme si le premier jet pouvait suffire.

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