La nuit tombée de Antoine Choplin

Gouri travaille maintenant à Kiev. Dans les premières pages du roman, il parcourt la campagne à moto, en route vers Chevtchenko, ville qu’il n’a pas revues depuis plus de deux ans. Sa moto tire une remorque bricolée qui cahote sur la route. « Village après village, les voitures se font de plus en plus rares et à plusieurs reprises, sur cette route parfaitement rectiligne où le regard peut porter loin, Gouri se fait la remarque qu’il n’y a pas le moindre véhicule en vue ». Gouri semble se retirer hors du monde. A la pompe à essence, dans la conversation avec le pompiste, on comprend qu’il revient vers les abords de la centrale de Tchernobyl. Gouri est un de ceux qui ont participé à son sauvetage-bricolage après l’explosion de la centrale. Il fait partie des habitants qui ont bientôt été contraint de tout abandonner pour se mettre hors de la zone de sécurité, celle où les radiations restent trop fortes. A mesure qu’il s’approche, les bêtes, la végétation, le paysage et les gens sont un peu plus au centre des remarques de Gouri sur le caractère évanescent du danger. Les phrases courtes d’ Antoine Choplin donnent une grande simplicité à ce roman. Peu d’adjectif, les descriptions semblent notées plutôt que vraiment rédigées. De même le passage inopiné de la description au dialogue. Ce n’est pas le monologue de Gouri, ni la description d’un auteur surplombant le récit – qui verrait la scène et nous la retranscrirait. Cela donne plus d’humanité au récit de ses rencontres. Gouri retrouve Piotr avec qui il a travaillé sur le toit de la centrale et qui meurt peu à peu, rongé par un mal qu’on ne voit pas et fait tomber sa peau en lambeau. Tous les êtres qu’il rencontre sont touchés par l’ « accident », mais le récit reste écrit sans pathos. Dans ce roman, peu d’action, Gouri vient seulement pour revoir son appartement et emporter une porte où sont marqués quelques souvenirs de sa fille. Pour cela il devra pénétrer dans zone interdite, voir comment elle a peu à peu repris vie malgré le danger invisible, voir aussi les gardiens et les voleurs qui rodent. Mais Antoine Choplin réussit à créer une atmosphère étrange mi-fantastique, mi-réelle, entre le monde normal auquel nous sommes habitués et un autre malade qui rôde autour de nous. Une reportage diffusé par ARTE « Tchernobyl : une historie naturelle », encore visible aujourd’hui sur you tube, ou des œuvres artistiques comme celle exposée au Kunsthaus de Zurich cet été par Diana Thater dans l’exposition deftig Barock, soulèvent la question paradoxale posée par la coexistence entre le danger de la centrale ou du nucléaire, et notre émerveillement devant la puissance de la nature qui a déjà réussit à reconquérir la zone interdite.
« 
La nuit tombée » . Antoine Choplin. Ed. de la Fosse aux Ours.

Un commentaire

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