martial Raysse au Centre Pompidou jusqu’au 22 septembre

Dans un premier temps, les salles présentent son travail dans les rangs du nouveau réalisme, au début des années 60. La société de consommation est omniprésente, mais on ne sait pas vraiment s’il la critique ou s’il l’utilise et en joue. Sans doute un peu des deux.

america america. 1964

america america. 1964

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le célèbre « America, America » de 1964, le néon et la célèbre main de la statue de la liberté incarnent la modernité, la liberté d’expression dans une Amérique triomphante, aussi bien sur le plan économique qu’artistique. Depuis 1962, il ne cesse d’utiliser le néon, qui lui permet à la fois la couleur et l’allusion à la modernité. Mais au même moment, il crée aussi ses « hygiènes de la vision » qui semblent montrer un aspect plus sombre de notre modernité, son rebut, ses rejets. Ses étalages sont du véritable néo-dadaïsme, comme il devenait courant de le faire à l’époque.

hygiène de la vision n°1. 1960

hygiène de la vision n°1. 1960

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme Schwitters dans l’Allemagne des années 20, Raysse réutilise les déchets de la société pour les transcender et faire de l’or à partir de notre boue quotidienne, trouvée des les poubelles. Cette ambiguïté entre les deux visions de la modernité qu’il nous propose est à lire comme un « pessimisme raisonné » (le mot est extrait de l’entretien donné à Anaël Pigeat paru dans le n°411 de la revue Art Press) : « il y a dans tous mes tableaux un cri intérieur de désarroi devant cette effroyable situation qu’est le miracle d’être au monde. Dans chaque image, son revers apparaît. Une icône peut témoigner de l’espoir dans la vie, mais tableau d’histoire ne peut pas passer sous silence le tragique de l’existence ».

 

Suivent quelques salles où il semble emboîter le pas des américains envoûtés par les publicités omniprésentes dans l’espace contemporain. des femmes au sourire de paillette semble vidée de toute substance, de toute vie, comme dans les célèbres portraits de Warhol. Mais là aussi, la position est ambiguë. Contrairement à Warhol, il ne s’agit pas de Monroe ou de Liz Taylor, mais d’anonymes. C’est le traitement de l’image qui les rehausse au rang de ces stars. C’est à ce moment là aussi qu’il retravaille sur des tableaux célèbres du passé, qu’il réinterprété jusqu’à être souvent irrévérencieux. Raysse vit alors à Los Angeles où le bon goût n’est pas de rigueur. L’atmosphère d’Hollywood, avec ses décors kitsch est tournée en dérision. Raysse pratique l’assemblage et le collage de la même manière que ses collègues américains comme Kienholz.

Raysse a souvent pris position par rapport à Duchamp : « le ready made ne m’a jamais trop convaincu. C’est pour cela que j’ai pu rapidement abandonner cette dorte de tic. Sur le fond, c’est une excellente réflexion sur le cadre. Poussin l’a bien définie. Si j’avais rencontré Lucian Freud dans les années 60, je n’aurais pas perdu de temps avec le nouveau réalisme. toutefois, j’ai eu la chance de parler sérieusement avec Duchamp. Je lui ai dit ma volonté d’aller plus avant dans la peinture figurative. Il m’a encouragé à continuer de travailler dans ce sens, me disant textuellement qu’il y avait là encore beaucoup à trouver. Et un jour il m’a montré son tiroir rempli de dessins figuratifs. Pendant trente ans, tout le monde refusait de me croire et puis on en a enfin vu dans l’exposition Ingres et les modernes à Montauban, en 2008. » après cette remise en cause de tout les tics des années 60, Raysse revient à la peinture en effet.

La suite de  de l’exposition est remarquable, même si elle est moins connue, et pose plus de problèmes qui restent pertinents aujourd’hui. Toutes les questions qui sont posées dans ces œuvres semblent un reflet des considérations dont Raysse fait état ci-dessus : nous sommes dans une « effroyable situation » car confrontés au miracle de notre existence. Toutes ses œuvres témoignent de cette question. Souvent peintes à la détrempe, cette technique ancienne qui produit une peinture mate et empêche les retouches dans lesquelles on risque l’empâtement, elles montrent souvent un décalage. Il est encore à Los Angeles, mais le décalage avec les artistes contemporains américains grandit. il revient en France vers 68 et s’isole. Dès lors, son travail sera celui d’un peintre qui pense que « le seul avantage des artistes sur la machine ou sur les multiples mondes para-artistiques qui l’utilisent, c’est que l’artiste de toute façon fait toujours les choses beaucoup plus mal, l’inversion des pôles, la subversion même, voilà son domaine.»

Spelunca

Spelunca

 

 

 

La série Spelunca, est un ensemble de sept tableaux inspirés du Songe de Poliphile. Elle marque un tournant et introduit une manière et des problématiques qu’il va poursuivre jusqu’à nos jours. Catherine Grenier écrit : « Jean Laude désignait chez Henri Michaux une «hygiène de l’imaginaire», «qui rompt l’équilibre (lorsque celui-ci menace de s’installer, de s’identifier à une mort pétrifiée), qui rétablit l’équilibre (lorsque apparaît la démesure, au profit d’un terme ou d’un autre, au profit du réel ou au profit du désir) .» À l’«hygiène de la vision» développée dans la première partie de son œuvre, Raysse fait succéder une semblable «hygiène de l’imaginaire» ». Cette hygiène de l’imaginaire est sans doute ce qui le plus nécessaire à la peinture aujourd’hui et ce qui rend cette oeuvre percutante, malgré, ou plutôt à cause de ses questions sans réponse.

 

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