Mondrian figuratif et l’autoportrait

bibl :
- « l’impossible autoportrait de Mondrian par I. Goldberg, dans le n°15 des « cahiers de médiologie »)
- R. Krauss, « Grids », The Originality of the Avant-Garde and other modernist myths, Cambridge et Londres, 1985, traduction chez l’éd. Macula

L’exposition actuelle du musée Marmottan réunit quelques-uns des rares autoportraits de Mondrian. Cela nous permet d’analyser leur rôle dans son évolution picturale et philosophique.
Comme tous les artistes du début de l’art moderne, Mondrian réalise peu d’autoportrait. Comme le remarque Raynal, un des premiers critiques du cubisme, « ils [les cubistes] estiment que la photographie réussit aussi bien que M.G. Ferrier ou E. Carrière, ce en quoi ils ont grandement raison ». Et Fernand Léger de conclure que « Le portrait se meurt… l’art devait se restreindre logiquement à son but : le réalisme de la conception ».

Matisse

« autoportrait ».1908-09. musée de la Haye

cependant, comme le remarque I. Goldberg dans l’article cité ci-dessus, l’autoportrait perdure chez de nombreux artistes, comme chez Picasso. Même si les recherches plastiques d’alors répugnent à s’attaquer de front à la figure humaine, comme si cela devait altérer notre être lui-même, quelques artistes continuent à pratiquer le portrait ou l’autoportrait.

Matisse

« autoportrait ».1908-09. musée de la Haye

En 1909, Mondiran adhère à une société de théosophie, pour accéder à une « vision véritable de la vérité ». Ces trois autoportraits réunis par le musée Marmottant aujourd’hui datent de cette période et témoignent par l’accent mis sur un regard presque halluciné, de cette recherche de la vérité intérieure. Ces autoportraits sont symétriques, comme pour nous empêcher de nous perdre dans autre chose que cette recherche d’absolu. Pas de fond. Il faut aller à l’essentiel. pas de perspective, les autoportraits sont frontaux. celui qui est reproduit en tête de l’article semble le dernier des trois, comme si Mondrian voulait désormais nous concentrer sur son regard. Ses yeux le regardent et nous transpercent.
On pourrait croire que ce gros plan sur les yeux rendrait l’autoportrait plus présent, mais l’effacement de toute expression créent au contraire une absence. Mondrian semble se détacher de la réalité.

Matisse

Albrecht_Dürer_-1500. »autoportrait ». Alte Pinakothek, Munich. 67.1 cm × 48.9 cm

Ce regard de face, extatique, rappelle davantage l’autoportrait de Dûrer en Christ de 1500, que les autoportraits de Schiele, pourtant plus proche de lui.

Matisse

Egon Schiele autoportrait avec tête Baissée,1912

Les symbolistes qui entourent alors Mondrian, se servent du visage humain pour exprimer leurs idées sur l’homme et sur l’au-delà. Tous ses amis qui s’essaient alors à l’autoportrait sont confrontés à la même difficulté de représenter leur subjectivité tout en s’approchant d’une qualité universelle.

Matisse

autoportrait de Cornelis Spoor

Matisse

autoportrait de Conrad Kickert

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 
 
 
En 1912, Mondrian réalise encore deux autoportraits exposés eux aussi cet automne à Paris. Ils ont tous les deux réalisés plus tard, lorsque Mondrian était arrivé à Paris. Dans le premier, il se représente de 3/4 en légère contre plongée, dans la position respectable d’un homme qui veut attester de son honorabilité.

Matisse

 » autoportrait » mondrian. 1912. fusain

 
 
 

Matisse

« autoportrait ». Mondrian 1912

Dans le second au contraire, Mondrian semble utiliser ses découvertes cubistes : les recherches de Picasso et Braque qu’il découvre alors lui semblent promettre de pouvoir enfin concilier l’universel et l’individuel. Apollinaire parle à son sujet d’un « cubisme très abstrait » : Mondrian cherche en effet à faire concilier le motif et le fond. Les critiques formalistes ont cherché à expliquer son travail par la rehcherche d’homogénéité que mondrian mène alors. Itzak Goldberg souligne qu’en « décomposant et unifiant la figure et le fond, [Mondrian semble trouver] le moyen approprié de résoudre l’opposition entre le sens et la forme, l’apparence et l’essence, afin de créer un tout indivisible, une vision cosmique. »

Matisse

« portrait d’une dame ». Mondrian 1912

Contrairement à Picasso et Braque, Mondrian se focalise sur une abstraction qui conserve la présence transcendantale du sujet, car, dit-il, « l’un n’est manifesté ou connu que par son opposé ». Contrairement à Picasso et Braque, Mondrian ne sera pas intéresse par leur utilisation du papier découpé qui permettra bientôt aux cubistes de maintenir un peu de réel dans leurs recherches picturales. Il se concentre sur cet tension équilibrée entre le visage et l’homogénéité de la toile.

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