polyphonies de Klee

Sans prendre de prétexte réaliste, je vous propose donc de simplement suivre les rythmes abstraits de Paul Klee. Nous pouvons partir de cette aquarelle, mais désormais sans aucun autre support que cette abstraction.
Comme nous l’avons vu ces dernières semaines, Paul Klee se concentre sur un contraste principal entre jaune plus ou moins orangé et bleu. La richesse de cette aquarelle tient à l’imbrication entre les plans.

Les jaunes-orangés étant plus opaques que les bleus, c’est toujours le cas quelque soit la marque de votre aquarelle (sauf sans doute les jaunes indiens), je vous propose de commencer par eux (il vaut mieux qu’ils soient en dessous des couches bleues plus transparentes).





un dessin préalable est tracé au crayon. Attention à ne faire aucune égalité entre les surfaces ainsi crées. Certaines lignes forment un L, d’autres un U, avec des orientations qui changent sans cesse et s’imbriquent les unes dans les autres.
 
 
 

Avant de choisir ce que vous allez recouvrir, il faut vous demander où vous voulez la réserve blanche (ici, c’est au centre). Paul Klee avait remarqué que notre oeil est d’abord attiré par le blanc, alors que notre travail commence par les zones recouvertes, ici rouge alizarine carmine (il ne faut pas de vermillon qui est trop proche du jaune). Cette inversion temporelle l’avait nettement impressionné.
 
 
 
Pour reprendre le principe des gradations que nous avons étudié, il s’écarte ensuite du blanc choisi ici au centre : la deuxième couche est passée sur le bord extérieur.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Encore un peu plus à l’extérieur, il passe une couche, après avoir modifié son rouge alizarine carmine par un ajout de jaune.
L’imbrication qui paraît extrême dans le résultat final de cette progression simple tien à ce que chaque ajout d’une couche multiplie les zones de couleurs différentes, par superposition.
 
 
 
 
La dernière couche chaude est passée à nouveau en rouge alizarine carmine, de façon à inverser la progression, et fermer la composition sur l’extérieur. Notre regard sera ainsi encore davantage amené à commencer la lecture par le centre de la composition.
Cette façon de fermer notre composition était déjà présente dans les dessins cubistes qui trouve toujours une contre-forme pour inverser le mouvement initialement donné au regard. Du blanc au centre, notre oeil s’écartait vers le bord droit. Cette barre verticale plus sombre nous ramène vers le centre de façon à ce que notre oeil reste « piégé  » par la composition centripète. Notre oeil doit resté centré sur le tableau, conçu comme un tout, avec un début (blanc au centre) et une fin (blanc au centre) vers laquelle on retourne.


Pour les tons froids, il fait de même, en commençant par une première couche de bleu, puis un léger jaune, puis encore un autre qui en se recouvrant donne cette « gradation ».
A chacun de faire ainsi sa composition, mais je vous en donne un autre exemple .

Voici quelques-uns des dessins que vous m’avez envoyés qui sont superbes
Sur le dessin de Marie Jose, j’attire votre attention sur la richesse chromatique que la simple superposition de valeurs de bleus et de valeurs de rouge orangé peut produire. la variété des contrastes est grande, avec une composition simple mais variée dans les rapports des surfaces les unes avec les autres.
 
 
 
 
 

  • Le contraste du bleu au centre, près de la réserve blanche nous attire en premier, car juxtaposé avec son complémentaire rouge-orangé.
  • Puis notre regard est attiré par le jaune (Len bas à droite à l’envers), dont la force est toujours plus grande que celles des autres couleurs, comme Itten le souligne dans ses cours. Sa juxtaposition avec des tons prochesde lui, rouge-orangé ou jaune-vert, atténue sa force néanmoins.
  • tous les contrastes de gauche sont plus faibles car proches les uns des autres sur le cercle chromatique. Ce qui produit un mouvement de composition, comme une diagonale descendante

Pour le dessin de Katia, je ferais les mêmes remarques, en ajoutant un mot sur le dégradé de valeurs. En effet, Katia semble avoir passé plus de couches d’aquarelle sur les bords de son dessin, ce qui a l’avantage de produire une concentration des regards vers le centre, comme vers une sortie, un appel. Cela est très beau, mais serait sans doute trop simple si les deux carrés plus jaune ne contredisaient pas un peu ce mouvement.
 
 
 
 
 
Pour le cours suivant, qui achève pour l’heure ce voyage au pays des polyphonies de Paul Klee, je vous propose de regarder cette aquarelle superbe.

Paul Klee continue à entremêler ces gradations. C’est cela qu’il appelle polyphonie – c’est-à-dire superposition de lignes musicales qui se répondent – et qui a particulièremnt séduit Boulez.
Au premier regard, On peut penser qu’il s’agit simplement d’un décalage du premier dessin. La pyramide de droite par exemple et plus à droite dans la seconde couche, faite de points colorés.
En réalité, il crée un passage entre les l’aplat de bleu qui est derrière elle et les autres aplats qui l’entourent : les petits points bleus recouvrent le vert en haut à droite et le orange à la gauche du bleu. les points bleus d’aquarelle se superposent à des tons proches ou au contraire presque opposés.
entre les zones de la dernière couche, avec les points, il peut y avoir

  • Des contrastes de tons
  • Des contrastes d’opacité (les points sont plus ou moins délayés)
  • Des contrastes de forme : les points n’ont pas tous la même forme comme on peut le voir dans la zone orangé clair au centre de la pyramide de droite

voici les aquarelles envoyées :


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Les trois aquarelles de Florence sont très belles. La première et la troisième correspondent plutôt à l’étape précédente où les plans colorés se répondaient les uns aux autres de manière musicale. Dans la première, les diagonales introduisent une complexité dans la progression de notre œil. La diagonale ascendante jaune contrebalance bien la diagonale descendante entre le rouge et les bleus. Sans doute les bleus horizontaux en haut et en bas s’opposent-ils à ce jeu et nous empêchent – d’autant plus que le blanc en bas à droite y concourt – à voir dans ces diagonales les contrastes principaux. Contrairement à ce qu’on voyait chez Klee on n’arrive pas à trouver une logique dans l’aquarelle dans son entier. Pour la troisième, il s’agit de tout autre chose que nous n’avons pas développé. Il aurait sans doute été préférable de superposer les couches, sans les limites horizontales qui rompt trop les passages entre les couleurs, un peu comme en haut dans l’aquarelle. Dans l’aquarelle 2, les points colorés accompagnent bien les plans qui se chevauchent, peut-être moins cependant dans le rectangle rouge orangé, où la complexité est à nouveau trop grande, me semble-t-il.



La première aquarelle d’Elisabeth restait contrainte par la règle que paul klee avait définie. Les formes en points colores suivent trop les aplats d’aquarelle.
Dans la seconde par contre,cette rigidité disparaît, du fait d’un travail dans l’humide. Cette dernière couche crée une nouvelle progression harmonique, qui s’ajoute à la precedente. Elisabeth réussit ainsi à faite dialoguer les aplats, en première progression, avec les points en deuxième progression.. la polyphonie entre ces deux progressions, comme des lignes mélodiques qui dialoguent, est réelle.
De même pour l’aquarelle de Marie Jose qui suit à la lettre les conseils de Paul Klee. Les points bleus par exemple, commencent sur un rectangle bleu et continuent sur un aplat rouge. Le lien-dialogue entre la progression des aplats est ainsi relié à celle des rectangle de points. La rigueur est grande, mais la variation de la formes des points permet de l’assouplir. Je ne suis pas sur de la nécessité des petites diagonales dans la partie basse, qui introduisent une étrangeté qui n’est cependant pas désagréable.

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