biennale de venise
jusqu’au 27 novembre.
L’événement est historique pour au moins trois raisons : la première est due à la pandémie. Pour la première fois en effet depuis la seconde guerre mondiale, la biennale a du être reportée en 2021.
La seconde raison sonne le retour de la guerre en Europe. Le pavillon russe cette 59 biennale restera donc fermé, du fait de la démission de l’artiste …. qui entendait ainsi protester contre le gouvernement de Poutine. Et à l’inverse, le pavillon ukrainien focalisera tous les regards. L’artiste Pavlo Makov y présente la « Fontaine de l’épuisement » qui a quitté Kiev dès le 24 février, juste après le début des hostilités. 72 entonnoirs de cuivre y sont montés au dessus les uns des autres en forme de pyramide sur une plateforme de 3m², qui est devenu ainsi le symbole de leur résistance (on imagine les difficultés rencontrées pour acheminer jusqu’à Venise, et finir une telle structure.
La troisième raison est l’omniprésence féminine. Pour la première fois, la célèbre Biennale est dirigée par une femme, Cecilia Alemani. C’est aussi un signe des temps ! L’art et l’histoire de l’art ne sont plus désormais menés par les hommes, ce dont rend compte le choix de 80% de femmes parmi les artistes représentés. Cécilia défend en effet l’idée que
« certaines des œuvres les plus importantes de notre époque sont produites par des femmes », C’est la raison pour laquelle elle a également choisi comme titre de cette 59ème Biennale
Le nom d’un livre de Carrington « the milk of Dreams ». Le Pavillon central de la biennale, où la commissaire montre justement sa vision de l’art de 2022, propose une confrontation de l’art de notre temps avec les œuvres de quelques femmes surréalistes majeures, Carrington, mais aussi Léonor Fini, Claude Cahun, Ithell Colquhoun ou Valentine de Saint-Point… Leurs noms ont été injustement écrasés par ceux des hommes surréalistes qui pourtant, comme Breton vis-à-vis de Nadja, n’ont cessé de reconnaitre leur dette vis-à-vis des femmes. Dans le pavillon central, quelques œuvres comme celles de Cecilia Vicuna sont bien présentées, mais la majeure partie de ces œuvres surréalistes sont exposées dans une salle centrale capitonnée, avec une moquette épaisse, comme pour souligner leur ancienneté. Cette présentation ne permet pas à leurs œuvres de lutter à arme égale avec le reste de l’exposition. Pour se rendre compte de la qualité de ces œuvres féminines, il faut absolument se rendre à la fondation Guggenheim où l’exposition « Surrealism and Magic » réussit à entremêler les destins de ces artistes féminines. On arrive donc à la dernière raison qui rendra cette biennale historique. son axe directeur. « The milk of Dreams » propose d’ « imaginer une condition post-humaine qui remet en question la définition occidentale moderne de l’être humain – en particulier l’idéal prétendument universel de l’ « Homme de raison » blanc et masculin – en tant que centre figé de l’univers et mesure de toutes choses ». Cécilia Alemani montre des artistes à la recherche d’un univers où les espèces forment une nouvelle alliance avec les éléments naturels et le monde inanimé. L’exposition entière propose une nouvelle communion entre l’humain et le non–humain, l’animal, le végétal ou l’inanimé. Cette vision s’éloigne le l’anthropomorphisme qui prévalait depuis la renaissance. Il s’agit véritablement de ré-enchanter le monde. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les œuvres de Leonora Carrington qui fourmillent de créatures étranges en transformation constante. D’habitude, on ne parlait d’elle que par rapport à son amitié avec Ernst. L’exposition met fin à cette phallocratie, et témoigne de l’univers fabuleux de Carrington.
Certains des pavillons de cette biennale méritent vraiment le détour, comme le mélange de performance et de vidéo de Désastres, présenté par Marco Fusinato au pavillon australien. La stridence de ses accords de guitare électrique répond en live pendant 6 mois aux rencontres des images projetées sur grand écran, issues d’un monde actuel souvent délirant.
Le Pavillon de la Hongrie présente After Dreams : I dare to defy the damage de Zsofia Keresztes. Le pavillon est rempli de volumes anthropomorphes couverts de mosaïque. Comme on a pu le voir avec le travail des surréalistes dont je parlais ci-dessus, il s’agit de réinventer notre relation au monde et aux autres. Après les mois de pandémie qui nous mis à distance, toutes les relations humaines sont à repenser. Cela est indispensable et complexe, attirant et repoussant tout à la fois, comme on peut le voir aussi au pavillon roumain qui met en scène des corps difformes dans des mises en scènes érotiques. Comme pour chaque biennale, ce qui la rend si nécessaire et passionnante est ce foisonnement de réponses aux problèmes que nous vivons aujourd’hui.
Cette Biennale est remarquable aussi par la qualité de quelques expositions qui accompagnent la biennale. Parmi elles, on n’oubliera pas de voir la dernière œuvre d’A. Kiefer au palais ducal, ou la rétrospective consacrée à Marlène Dumas (fondation pinault au Palazzo Grassi jusqu’au 8 janvier 2023).
Cette artiste s’était autrefois fait remarquer par des portraits en lavis d’encre noire, aux déformations hyper-expressives, et à des scènes violentes souvent sexuelles. Elle jouait alors avec la lisibilité de ces sujets violents, comme si le contraste entre cette illisibilité de ses cadrages (en gros plans par exemple), et leur violence, devenait le sujet de son œuvre. Comme si notre propension à être tour à tour attiré et rejeté par ces visions devenait le sujet même de l’œuvre. l’exposition présente la série extraordinaire Great Men de 2014, qui réunissait des portraits d’homosexuels célèbres comme Genet, Pasolini ou Oscar Wilde…« J’ai réalisé que beaucoup d’artistes et de personnalités qui m’ont influencée dans mon travail étaient gays » explique Marlene Dumas pour cette série en réaction à la législation anti-LGBT en Russie. L’exposition du Palazzo Grassi réunit tous ces portraits fabuleux, mais leur ajoute des toiles plus récentes qui nous révèlent encore un peu plus ses talents de coloristes. Souvent construites autour d’un premier contraste de complémentaires, les mélanges de ces tons opposés créent des irisations fabuleuses, comme pour montrer comment la répulsions des contraires peut s’avérer riche.
La fondation Cini présente à Venise une admirable exposition « Joseph Beuys: Fine-limbed « (en collaboration avec la galerie Ropac) des aquarelles et sculptures de Beuys, principalement concentrée sur les œuvres des années 40 et 50. On célébrait en 2021 (date initialement prévue pour l’exposition) le centenaire de la naissance de ce maître de l’art conceptuel. L’exposition étudie principalement la place du corps et de la figure humaine dans son travail, visuellement mais aussi de façon symbolique. « Exploring the symbolic meanings of the human figure and the idea of fertility, as well as the so-called animal figure and its healing powers, Beuys’ early works touch upon contemporary issues such as discussions around gender and the power of nature », explique Luca Massimo Barbero, directeur de la fondation. Beuys était un des artistes capables de faire coïncider l’art et la vie, comme le souhaitaient tous les artistes proches de Fluxus. La place que peut avoir l’art face ou à côté de la vie est omniprésente dans sont travail, comme en atteste ici les confrontations entres ses aquarelles, ses sculptures et des notes de travail. « Backrest for a fine-limbed person (hare-type) of the 20th century AD (1972–82) » est la pièce majeure de l’exposition. cette sculpture a été coulée en fer à partir du plâtre d’un dossier thérapeutique utilisé pour soutenir un corps meurtri, blessé. L’oeuvre fait partie de ce que Beuys appelait des « processus d’arrestation », et évoque ici une sorte de peau. Sa forme évoque une sorte de lapin, comme pour témoigner de l’innocence humaine, perdu lors de notre incarnation.Il faut aussi aller voir l’exposition « Human brains. it begins with an idea » présentée par la fondation Prada. La mise en scène d’objets et de témoignages divers, scientifiques ou artistiques célèbrent l’extraordinaire « cerveau humain » (Ca’ Corner della Regina). Le vaste projet de la fondation était conçu en quatre phases. la première eut lieu en novembre 2020 avec une conférence « culture et conscience », la seconde est constituée de conversations entre des philosophes, et des scientifiques, qui sont restituées en vidéo dans l’exposition. La troisième partie est cette exposition superbement mise en scène (on pourra admirer mais aussi s’inquiéter de l’excellence des oeuvres de Rembrandt ou de Bosch qui y sont présentées , en fac similé). La quatrièeme partie aura lieu à Milan à l’automne lors d’un colloque « preserving the brain » sur les maladie dégénératives, qui continuent de nous interroger alors sur la disparition de la conscience humaine.
L’exposition Penombra organisée par la Fondazione In Between Art Film présente huit vidéos inédites dans l’ancien hospice dit Ospedaletto et son église Santa Maria dei Derelitti. Là aussi, la mise en scène est époustouflante, au service de vidéos très variées et magnifiques.
à partir du 22/07 la biennale de Danse présente un grand nombre de spectacle dont le programme est disponible ci-joint programme de la Biennale de Danse 2022
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