VAN GOGH, PICASSO, KANDINSKY…
Collection Merzbacher. Le mythe de la couleur
Jusqu’au 25 novembre 2012 (9 – 19h tous les jours)
La critique :
L’exposition de la collection privée Merzbacher, réunit des oeuvres extraordinaires. Toutes ont un trait commun : la couleur. L’aventure commence avec les impressionnistes, Cézanne, Sisley : ils sont parmi les premiers à utiliser l’approche scientifique de Chevreul. Ils sont les premiers à utiliser dans leurs oeuvres la théorie mise au point pour aider les teinturiers de la manufacture des Gobelins dont Chevreul est le directeur. Van Gogh est représenté aussi dans l’exposition par un paysage composé par les couleurs. Il utilise la couleur non pour représenter un champ ou des fleurs, mais pour composer une harmonie colorée utilisant les contrastes simultané mis au point par Chevreul. Cette aventure aboutit bientôt à la « la sieste » de Matisse ou aux paysages réalisés par Derain et Vlaminck à Chatou vesrs 1905-06 .
On sait que cette histoire cartésienne de la couleur peut être opposée à une autre tradition, issue des recherches de Goethe. Cette autre généalogie laisse plus de place à la psychologie, au symbolisme, à la religion même. D’autres peintres, allemands pour la plupart, utiliseront ces recherches. Dans l’exposition, on peut admirer le merveilleux « Mädchen mit Katze, Fränzi. » réalisé par Kirchner en 1910. Les couleurs ne sont plus seulement des « taches de couleurs en un certain ordre assemblé » comme pouvait le dire Maurice Denis quelques années plus tôt en annonçant les développements de la peintures « pure », de la peinture bientôt abstraite. le corps jaune de Fränzi les contours rouges ou bleus, le décor des masques primitifs dans lequel elle se fond, expriment l’empathie du peintre avec le monde qu’il représente. A côté de ces superbes tableaux du groupe « die Brücke », de très beaux paysages de Kandinsky de l’époque de Murnau, quand il travaillait avec sa compagne G. Münter, avec Jawlensky et sa compagne Werefkin. c’est l’époque ou Kandinsky commence à comprendre la nécessité de se libérer de la représentation pour atteindre le sentiment qu’il éprouva face à la nature (un coucher de soleil à Moscou), ou en écoutant Wagner. les paysages réunis ici s’éloignent de l’image de la réalité pour mieux la retrouver. Il en est de même pour les quelques Klee, un autre membre du même groupe du Cavalier Bleu, réunis dans cette collection.
L’exposition est un cours complet sur le sujet étudié en détail par Georges Roque il y a quelques années (« Art et science de la couleur. Chevreul et les peintres, de Delacroix à l’abstraction ». éd. J. chambon). Mais il faut aussi la voir pour les rapprochements inédits qu’elles permet. Le commissaire Jean-Louis Prat utilise la grande salle principale pour que l’on puisse voir toutes ces directions ensembles. car tous ces peintres se connaissaient plus ou moins. Apollinaire et Delaunay, des français issus de la direction Chevreul sont venus en Allemagne pour y donner des conférences. Paul Klee a même traduit des textes de Delaunay en allemand. Jawlensky aussi connaît la peinture de Matisse. De même, les travaux des russes, de Campendonk, de Malevitch, de Exter… très bien représentés aussi dans l’exposition, utilisent les recherches des uns et des autres.
Cette exposition réussit la gageure de traiter à la fois un sujet de façon didactique et amoureuse. Car les oeuvres restent toujours au centre de l’exposition. Elles ne disparaissent pas derrière le propos. « Gestirne über bösen Häusern » de Paul Klee (1916) ou la superbe « Frau mit roten Hahn » de Beckmann (1941)gardent leur pouvoir et leur attrait qui dépassent largement les réflexions théoriques qui ont pu un moment les aider à se construire. Cette exposition réussit à nous en donner à la fois le sens et la saveur.
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