Galerie Thaddaeus Ropac, 69, avenue du Général-Leclerc, Pantin . Jusqu’au 31 octobre
On est stupéfait. On a beau savoir de quoi il retourne, on a beau connaître un peu son travail, Baselitz étonne. On s’était habitué à la touche expressionniste de l’artiste né en 1938 en Allemagne de l’est (il passe à l’ouest en 58). On avait accepté le retournement de ses motifs : depuis 1969, il peint toutes ses figures la tête en bas, comme pour nous empêcher de comprendre le motif trop rapidement. On avait accepté la force de ses sculptures travaillées à la tronçonneuse. Récemment au MAMVP, les figures de Dresde faisaient resurgir encore ses souvenirs : comme le petit Edmund dans « Allemagne année zéro » de Rossellini, il avait vu autrefois les figures errer dans la ville bombardée par les alliés en 45. Comme Rossellini ou Kiefer, il refuse pourtant de « répartir à zéro », en gommant trop vite l’épisode hitlérien. Longtemps encore des figures héroïques devenues dérisoires errent dans ses œuvres, la tête en bas. Des oiseaux ( des aigles ?) tombent, comme pour remettre en question le passé allemand. Baselitz veut absolument ne rein gommer de sa mémoire, tout en restant artiste : son travail sur le passé est omniprésent, mais ne nous empêche pas de voir les peintures, les sculptures. Ses œuvres sont à regarder en elle-même, et non seulement pour ce qu’elles signifient.
Ainsi des « BDM » (2012) exposées à Pantin. Baselitz y raconte le souvenir de jeunes hitlériennes, entrevues alors qu’il était enfant lui aussi. Il aurait aimé alors porter leur uniforme. Mais elles sont devenues gauches. Elles nous évoquent les « trois grâce » antiques ou celles de Raphaël et Canova, mais leur beauté a disparue. Ce moulage en bronze est recouvert de noir comme aussi toutes les peintures de l’exposition. On ne peut s’empêcher de penser à des images de mort face à ces évocations d’une cendre qui recouvre tout. Les dessins nous montrent pourtant un tout autre Baselitz qui triture encore un peu plus ses sculptures, comme s’il voulait dépasser le pathétique du « côté sombre » de son œuvre.
Le catalogue édité par la galerie, superbement illustré, contient aussi des textes qui éclairent toute l’entreprise, et nous permettent de mieux comprendre comment elle s’insère dans l’œuvre entière.
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