Adel Abdessemed

En 2018, Adel Abdessemed présentait à Arles une exposition mémorable, dont cet ouvrage est le catalogue. Au delà du principe de plaisir réunissait des photographies et des sculptures. L’artiste cherchait à mettre en scène les tensions qui depuis longtemps sont au centre de son oeuvre. Pensons à l’exposition autrefois présentée au Centre Pomppidou, à ses crucifix en barbelé, à ses « tableaux » de renards empaillés, à ses avions transformés en gimauves… Chacune des situations que les œuvres évoquent est réelle. Aussi bien le lion qui l’accompagne dans la rue que ses habits qui prennent feu. Chacune est choisie pour nous rappeler un fait particulier, sa valeur symbolique et émotionnelle. A commencer par le titre de l’exposition, emprunté à un ouvrage majeur de Freud, paru en 1920. Ne s’agit-il pas en effet de nous faire comprendre combien la tension qu’il met en scène ici nous permet d’imaginer un chemin vers l’art. Sans cette tension, sans la douleur, personne ne peut se mettre en chemin. Sans elle, personne ne serait capable de penser à une recherche du plaisir, à l’art par exemple… qui met enfin un terme à la douleur affirmée au départ.
Mais on peut aussi aller plus loin que ces considérations philosophiques. L’exposition peut aussi être lue comme une réponse : en mars 2018, peu avant l’exposition d’Arles, le directeur du musée d’art contemporain de Lyon avait en effet décidé du retrait de son oeuvre Printemps – vidéo pleine de poulets enflammés – présentée dans l’exposition « antidote ». Abdessemed réplique dans la présente exposition en affichant : «Les animaux sauvages, pour moi, ne sont ni des allégories ni des images, ce sont des frères lointains. Et je n’ai pas peur de dire : aujourd’hui, nous assistons à un véritable génocide.» Lorsqu’on remonte un peu plus loin dans son oeuvre, on trouve en effet de nombreuses répliques au directeur de Lyon. Dans « je suis innocent » par exemple, on le voit léché, lui aussi par les flammes qui lui firent décrocher l’oeuvre Printemps : comme les poulets dans la photographie retirée, il a utilisé un gel de protection qui rend les flammes inoffensives. Cette photographie, comme celle de « Séparation » (2006) où il caresse un lion dans la rue près de chez lui, sont présentées dans l’exposition « au delà du principe de plaisir » et attestent combien Abdessemed tire tout son art des Evènements douloureux de son existence.

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