aquarelle sèche

Nous travaillerons d’abord l’aquarelle en plans successifs.
L’aquarelle est un médium transparent – la gomme arabique qui se dilue avec l’eau et sert de liant – est translucide. Le ton jaunâtre de la gomme solide est négligeable, et permet d’avoir des teintes quasiment conformes à ce que nous faisons sur le motif.
L’aquarelle fonctionne donc comme un filtre. la lumière blanche qui traverse la couche peinte, est reflétée par la surface blanche du papier et revient vers notre œil. Cela confère à la technique sa grande luminosité. Mais pour que cela fonctionne de cette manière, il faut absolument que cette transparence soit conservée.

  • Il faut donc que le papier reste peu absorbant. Sinon, l’aquarelle pénètrera dans le papier et sa surface blanche ne pourra plus fonctionner comme un miroir lumineux. Cela nous impose l’utilisation de pinceaux souples (le poil de petit gris est parfait, et le poil de martre plus ferme peut lui être préféré pour un trait plus nerveux, mais il faut proscrire les pinceaux plus fermes) qui n’altèrent pas le papier
  • il faut donc utiliser un papier contenant plus de épais que le papier à dessin normal. Le Papier Arches est très lumineux à cause justement de cet équilibre en l’absorption nécessaire pour que l’aquarelle tienne sur la feuille, et la conservation de cette surface blanche
  • il faut donc éviter de travailler longtemps son aquarelle. Posez la teinte et laissez la sécher le plus vite possible, sans la retravailler longtemps

Puisqu’il faut réussir le plus vite possible, il est préférable de prévoir son dessin au préalable. Il faut donc faire un croquis préparatoire. Certains aquarellistes, comme Bonington (1802-28), dessinent sur leur feuille, avant de passer à l’aquarelle. Mais il faut savoir que l’on ne peut plus gommer ensuite. La gomme altèrerait trop le papier. Je vous conseille de dessiner sur une autre feuille, puis de travailler directement à l’aquarelle sur le papier vierge.

Comme nous travaillerons en laissant sécher chaque couche, il faut prévoir où ,les arrêter. C’est leurs superpositions ou leurs juxtapositions qui fera les passages ou les ruptures entre les différents plans de notre aquarelle. c’est ainsi que se crée l’espace de notre aquarelle. Nous prendrons aujourd’hui exemple sur John Sell Cotman, né à Norwich le 16 mai 1782 et mort à Londres le 24 juillet 1842. Cet aquarelliste exposa dès 1800 à la Royal Academy à Londres.

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Cotman « Sur la Tees à Rockcliffe » 1810


Cotman a traité le ciel en laissant des réserves pour la lumière qui éclaire les nuages de gauche, comme si la lumière du soleil ne percutait que ceux-là. les nuages de droite sont recouvert de bleu rompus avec un peu de terre de sienne et le même ton descend (dans une première couche) sous l’horizon jusqu’à la rivière. Cela permettra à l’arrière plan de reculer.

A gauche au contraire, sous le nuage lumineux en réserve, le terre-plein est laissé lui aussi en réserve dans un premier temps, pour que la seconde couche d’ocre puisse se détacher sur le ciel.

Ce choix d’arrêter les tons bleux à l’horizon ou plus bas à la rivière permet de créer un espace différent à drotie et à gauche dans son aquarelle. Notre regard entre en bas à gauche, monte avec la rivière. Il la suit grâce à cette opposition entre les tons chauds à gauche et les tons rompus à droite.

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Cotman « aqueduc de Chirk » 1807


Picasso. " la mort de casagemas" 1901

aqueduc de Chirk aujourdhui


Ce travail est encore plus intéressant dans cette aquarelle. le bleu du ciel recouvre l’intrados de chaque arc, sous l’ocre qui lui donne sa teinte locale. Cela donne le relief et lie le ciel à l’aqueduc. De même le bleu du ciel descend sur la végétation jusqu’au premier plan . Ce choix permet de mettre l’aqueduc en relier.
Cotman a décidé de l’accentuer encore en rajoutant un plan supplémentaire devant lui, en ombre, avec le reflet de l’aqueduc. ce tout premier plan accentue le relief et amène notre regard encore un peu plus sur le sujet de son aquarelle.

J’attire notre attention sur une particularité non logique de cette aquarelle. Le ciel sous les intrados est bleu pur. Mais ce n’est pas le cas dans la partie supérieure, où Cotman a passé une couche d’ocre. Cela a pour effet d’attirer notre regard vers les trouées sous les arches. Cela concentre ici notre attention et non plus sur le ciel ou le sommet de l’aqueduc, et cela compense le premier plan d’ombre.

je vous proposer de travailler à partir d’un de ces deux paysages toscans

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

champ d’oliver en Toscane

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

vue depuis les remparts de Montepulciano vers San Biagio de Antonio da Sangallo (1518)

Il faut définir où s’arrête chaque plan d’une dominante de couleur bleu, ocre ou vert. Le mieux est donc d’isoler chacune d’entre elle comme cela est commencé sur ces deux aquarelles.

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

vue depuis les remparts de Montepulciano vers San Biagio de Antonio da Sangallo (1518)


 
 
 
 
 
 
 
 
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

champ d’oliver en Toscane. 1ere étape

à chaque étape du travail, je choisis de définir un plan que je travaille de façon nette pour le mettre en évidence. Le plan bleu permet de faire reculer tout le ciel et la montagne.
 
 
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

2nde étape

Picasso. " la mort de casagemas" 1901

3e étape

Les étapes suivantes permettent de renforcer ou de corriger le premier choix.
 
 
 
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

cliquez sur l’aquarelle pour voir les corrections


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Dans son ouvrage sur l’aquarelle au XIXème siècle » (1991 éd. abbevillepress), Christopher Finch écrit à propos de Cotman :
« Certains aquarellistes font surgir une image à l’aide de quelques touches calligraphiques. D’autres grattent, frottent et tamponnent jusqu’à obtenir le résultat voulu mais tous doivent d’abord bien comprendre le principe de la superposition de couches de couleur transparentes. C’est là que réside la logique même du moyen d’expression, logique élevée au rang de la poésie par Cotman. Sur un dessin au crayon tracé d’une main experte, il applique des teintes plates en une mosaïque bien nette. Quand la première couche est sèche, il la recouvre de lavis tout aussi précisément délimité, qui modifie la nuance et l’intensité des couleurs. À force de superposer des teintes plates, il finit par produire la sensation du relief. C’est la méthode de Girtin mais sous-tendue ici par un sens de l’ordonnancement et de la simplicité totalement inconnu jusque là. À l’inverse des procédés employés par Turner, ce mode d’exécution ne permet pas de dire qu’une peinture est achevée tant que la artiste n’a pas appliqué la dernière couche de lavis et ajouté les détails de la avec la pointe du pinceau.
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Cotman « aqueduc de Chirk » 1807


On ne saurait trop souligner la logique de cette méthode. Un précurseur comme Girtin ne peignait pas les clés et les collines de la même façon mais modulait la facture de l’image en fonction des effets de matière qu’il voulait obtenir. Dans une peinture comme le pont sur la greta, magnifique souvenir d’un de ses séjours dans le Yorkshire, Cotman utilise le même système pour représenter les nuages, les arbres, le pont, les rochers et l’eau., Il s’autorise çà et là une licence expressive, mais toutes les différences d’aspect et de manière sont restitués par le biais de la superposition de teintes plates. Là encore, l’instinct de la structure picturale contribue grandement à l’effet d’ensemble, en renforçant la logique sous-jacente de la méthode. Le pont sur la Greta offre, après l’aqueduc de Chirk (cf repr. Plus haut), un autre exemple de l’ingéniosité avec laquelle Cotman emploie une gamme de couleurs relativement limitée. Comme Girtin, il tire le meilleur parti des tons de terre, encore qu’il les introduise dans les harmonies un peu moins chaude. Ces 2 œuvres démontrent aussi que Cotman a compris la nécessité de préserver la sensation colorée des ombres, qui deviennent ici, plus encore que chez Girtin ou Turner des facteurs structurants de la composition.
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

Vue de Dunscombe park 1805


Cotman trouve dans le Yorkshire certaines de ces sources d’inspiration les plus fécondes. La vue de Dunscombe Park atteste sa faculté d’orchestrer les ombres et les lumières selon un schéma qu’il doit avoir clairement élaboré dans sa tête avant de prendre son pinceau, étant donné la logique de sa méthode. Cette peinture, que 10 années à peine séparent du moment ou Girtin a rompu avec la topographie, montre quelle distance Cotman a prise par rapport à cette discipline. La modestie du sujet et là cohésion de la surface picturale situe l’artiste plus près du 20e siècle que du 19e à maints égards. Même s’il poursuit sa carrière dans une relative obscurité, de sorte qu’il ne peut exercer une influence notable en dehors un petit milieu de aquarelliste, Cotman est indéniablement l’un de ceux qui ont le mieux pressenti où se trouvait la voie de l’avenir pour l’art. Dès 1805, il s’est forgé une philosophie très proche de celle que Camille Corot adoptera plus de 20 ans après, où l’honnêteté du regard posé sur la nature s’allie à la rigueur classique de la composition.
Comme bon nombre de grands artistes du 20e siècle du dix-neuvième siècle, Cotman sait donner une réalité tangible aux choses tout en les présentant dans une optique éminemment panthéiste. Cette façon d’exalter la nature divinisée est hautement revendiquée à l’époque par le mouvement romantique, mais Cotman parvient à la mettre en œuvre sans céder à toute cette rhétorique du sublime qui donnera une apparence quelque peu alambiquée à certaines manifestations du romantisme. Cotman ne reste cependant pas insensible au pouvoir enivrant des paysages sublimes. Seulement, il est capable de déceler une dimension spirituelle aussi forte dans un champ labouré, une manière ou quelque une marnière ou quelque autre spectacle couramment offert par la campagne anglaise, en particulier dans la région de Norwich.
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

La marnière. 1809è-10


Dans les marnières, on extrait l’argile calcaire qui sert à amender les sols sableux ou acide Cotman nous montre celle de Mousehold Heath à la sortie de Norwich. Dans une peinture mesurant à peine une trentaine de centimètres de haut il transforme son motif en une réflexion sur la monumentalité et parvient à produire une impression grandiose en choisissant soigneusement son point de vue et en jouant sur la théâtralité des ombres et des lumières. Une menue saignée dans la terre se retrouve métamorphosé en formidable ravin, dont les topographes auraient dû aller chercher l’équivalent à des centaines de kilomètres.
Picasso. " la mort de casagemas" 1901

« le champ labouré » vers 1807


Le « champ labouré » sans doute situé en bordure de mousehold Health, traite un sujet encore moins alléchant, surtout compte tenu des doctrines artistique en vigueur au début du 19e siècle point pourtant à l’instar de constable, Cotman découvre tout naturellement de la poésie dans ce champ de scène humble. »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

  • Archives

  • Catégories

  • Recherche