Edward Hopper au Grand Palais jusqu’au 28 janvier

Didier Ottinger, conservateur au Centre Pompidou, l’affirme d’emblée : il s’agit de revoir toute notre conception de l’art américain. Le temps d’une vision moderniste, voire formaliste de l’art américain est révolu.

Dans les université d’histoire de l’art on apprenait naguère que l’art y avait débuté avec l’Armory Show en 1913. Cette exposition fut en effet une révolution pour une Amérique restée sur l’art du XIXème. Elle présentait en 1913 à New York puis à Chicago, des oeuvres de Picasso, Braque, Matisse, Picabia, Duchamp… l’art le plus moderne de l’époque. Cette exposition ouvrait en effet la voie vers les ready-made de Duchamp, vers Dada,puis le surréalisme… cela annonçait déjà l’essor de l’école américaine dans les années 30-40.

Didier Ottinger trace un panorama autrement plus complexe en ajoutant à ce schéma une autre tradition, celle du réalisme! Une exposition de Thomas Eakins au musée d’Orsay avait déjà annoncé ce bouleversement il y a quelques années. Né en 1844, Thomas Eakins fut l’élève de Gêrome et Bonnat à Paris avant de fonder toute une dynastie de peintres réalistes en Amérique. Robert Henri eut la même trajectoire vingt ans plus tard. lui aussi ira à Paris, aux Beaux arts et à l’académie Julian, avant de revenir en Amérique fonder la Philadelphia School of Design for women. Hopper sera aussi son élève, ainsi que son épouse.

L’exposition s’ouvre sur ce panorama, car il s’agit de comprendre la force de cette école réaliste. Pendant que Hopper part en Europe (1906-09-10) finir ses études artistiques comme tout bon élève américain, un évènement bouleverse tout le cercle dans lequel Hopper commençait à s’introduire. En 1908, devant le rejet de leur peinture réaliste par la critique, Robert Henri fonde le « groupe de Huit », ceux qu’on allait appeler la Ash Can School dans les années 30. La peinture américaine s’oriente vers un réalisme plus sordide (leur nom d »école de la poubelle » vient du grand nombre de poubelles peintes pour représenter la misère). Pendant que Hopper devient impressionniste, puis qu’il apprend à peindre en voyant les couleurs somptueuses des fauves au salon d’automne de 1906, ses compatriotes choisissent une palette grise et ocre. De retour en Amérique, il ne vendra plus aucune toile avant le début des années 20. Il est trop « français » pour ses compatriotes et il lui faudra plus de 10 ans pour digérer les influences françaises et européennes, pour redevenir américain. cela explique la particularité de son regard.

Ce panorama d’une Amérique réaliste est la grande révélation du commissaire Didier Ottinger. Le formalisme défendu par Greenberg n’apparaît plus comme le couronnement de l’art moderne, mais comme un temps coincé entre le réalisme du début du XXème siècle de Robert Henri ou Eakins, puis de Hopper… et celui des pop dans les années 60. ces deux grand mouvements réalistes se sont d’ailleurs tous les deux formés aussi en travaillant pour la presse. Cette exposition participe ainsi de la révision actuelle de l’histoire de l’art moderne. le dogme du formalisme est encore un peu plus battu en brèche. Didier Ottinger fustige au passage les musée qui comme le MoMA continue à présenter cette tradition somme une obligation. Hopper n’y est pas présenté comme un peintre important de l’art du XXème, mais comme un peintre important américain. Cela le place sur un autre niveau que les incontournables Pollock, de Kooning, Rothko… Cette exposition renouvelle tout notre regard sur la peinture américaine.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>

  • Archives

  • Catégories

  • Recherche