MARYL LE BERRE – « DIPTYQUE » à la galerie Marie Vitoux jusqu’au 18 avril

Pour cette exposition, Maryl de Berre, à la fois peintre et photographe confronte ses deux moyens d’expression favoris.

L’histoire de ces deux arts fut en effet souvent tumultueuse, l’un jalousant ce que l’autre avait acquis avant lui.

La photographie a d’abord tenté de voler sur les terrains de la peinture, dès son invention vers 1839.

 

"New York. The Flatiron Evening" de Steichen (1906)

« New York. The Flatiron Evening » de Steichen (1906)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les pictorialistes ont même tenté de faire passer leurs clichés pour des peintures ou des dessins. Leurs effets brumeux rappellent alors le sfumato  caractéristique du fusain.

 

 

"Picture for women" (1979) de Jeff Wall

« Picture for women » (1979) de Jeff Wall

 

 

 

 

 

 

Plus récemment, Dominique Baqué fut même tentée d’inventer un mouvement, la « photographie plasticienne ». Jeff Wall par exemple construisait ses grandes photos comme « picture for women » de 1979 en référence à de grands tableaux du passé, comme « un bar au folies-Bergères » peint par Manet en 1881-82.

 

 

 

La référence est évidente, de même que l’attrait du photographe pour son illustre prédécesseur. Il réussit même à réactualiser les questions posées par Manet avec la présence au centre de sa photo d’un objectif. 

Comme Manet J. Wall pose la question du regard sur le monde. Comme lui, il pose la question de ce que nous voyons, de ce que l’art peut nous montrer du monde.

"le bar au folies Bergères" de Manet (1881-82)

« le bar au folies Bergères » de Manet (1881-82)

 

Manet, comme Wall se voit comme un œil. Il se voit, « voyant ». Chez Manet, le jeu entre la vision de la femme de face, et son reflet dans la glace qui est décalé sur la droite alors que nous sommes face à elle est extraordinaire. On sait intuitivement que cela est impossible. La femme est en face de nous. Elle nous regarde, et nous sommes le spectateur moustachu pourtant décalé sur la droite.

 

 

 

Puis ce fut au tour de la peinture de voler sur les terrains de la photographie. La peinture utilise souvent alors  la précision de la chambre noire. Le photographe prend une empreinte du réel.

Puis les artistes « montent » leur clichés, comme un chef monteur met bout à bout différentes séquences dans le cas du cinéma. Les surréalistes par exemple, provoquent une fulgurance par la rencontre de deux images précises mais étrangères mais étrangères l’une à l’autre.

"Mère Afrique",1982, de Télémaque.  graphite, papiers collés, photo, oeillets, calque, cuir, 83×148, coll. FRAC Aquitaine

« Mère Afrique »,1982, de Télémaque.
graphite, papiers collés, photo,
oeillets, calque, cuir, 83×148, coll. FRAC Aquitaine

La photographie est souvent aussi un document d’histoire. Le Pop art ou la figuration narrative en a fait son miel en recopiant méticuleusement ces images, comme on peut le voir en ce moment dans l’exposition consacrée à Hérvé Télémaque au Centre Pompidou.

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans le cas de Maryl de Berre, il ne s’agit plus de conflit.

Les deux arts travaillent enfin de concert.

sans titre.( tirage argentique)

sans titre.( tirage argentique)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

les clichés évoquent plus qu’ils ne décrivent. un homme cache son visage, comme s’il voulait mieux le découvrir. Comme s’il voulait le révéler. le cadrage isole une partie du corps, comme s’il fallait ne pas tout montrer, comme si tout dire était la meilleure chance de tout cacher.

# 568

# 568

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"2005 #25" - Huile sur papier marouflé sur toile, 120 x 130 cm

« 2005 #25″ – Huile sur papier marouflé sur toile, 120 x 130 cm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans ses toiles ou ses dessins de même, Maryl de Berre montre une partie du corps ou du visage, mais oublie de continuer les contour ou les couleurs. Ce que le dessin semblait  dire se mue en autre chose. Les couleurs de la chair se transforment en une fleur. un sein devient un ventre, un mâchoire devient la main qui la soutenait.

 

 

 

Ces diptyques sont étonnants car leur dialogue ne finit pas.

La photographie ET la peinture, enfin!

recto-carton-Le-Berre-2015-

 

 

 

 

 

 

 

Pour apprécier la peinture, on pourra se reporter à l’analyse de l’expressionnisme que j’ai déjà faite ailleurs en cliquant ICI. Mais justement, la juxtaposition de ces corps expressifs qui pourraient être critiqués en raison de l’Hubris qu’ils sollicitent, avec le medium plus froid qu’est la photographie est éloquente. Comme je le disait dans ce texte, l’art véritable ne doit-il pas garder la trace des deux mouvements irréconciliables de l’expression et de la raison…

 

 

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