éloge de l’aplomb.

éloge de l’aplomb. Philippe Forest. éd. Gallimard. Collection art et artistes.
Cet ouvrage est d’abord une anthologie qui réunit quelques-uns des nombreux textes écrits par Philippe Forest sur l’art. Il présente déjà l’avantage de pouvoir les consulter : certains sont devenus incontournables, comme ceux que cet auteur a consacré à Raymond Hains, artiste fabuleux dont on réduit trop souvent le travail aux décollage d’affiches(Hains était alors avec villeglé, un des principaux nouveaux réalistes). Philippe Forest permet à ces oeuvres de prendre une véritable profondeur quand il le rattache au surréalisme ou à l’informel de C. Bryen. Comme dans toutes ses analyses, Philippe Forest part des œuvres pour les relier à d’autres domaines de la pensée, de la création, de l’écriture, pour en dégager la poésie. Les artistes à propos desquels il intervient sont très variés, depuis des peintres classiques, comme Flandrin, Hubert Robert ou Chagall, jusqu’à des grands contemporains comme Kusama Yayoi, Jean Loup Champion, ou Fabrice Hyber. Mais l’intérêt de cet ouvrage est aussi ailleurs, dans la place de Philippe Forest parmi les critiques d’art. Car Philippe Forest, comme il l’explique dans sa longue préface, est venu à la critique « sur un malentendu » : Dans les années 90, il s’est mis à répondre à la demande de ses amis de Art Press, Catherine Millet et Jacques Henric qui le pressaient d’intervenir dans leurs colonnes. Ce n’était pas un goût immodéré pour l’art contemporain qui le poussait à leur répondre, mais d’abord l’envie d’être aux côté « d’écrivains que j’estimais, que j’admirais : Philippe Sollers, Jacques Henric, Philippe Murray et quelques autres. » De la même manière, c’est le hasard qui le fait préfacer le catalogue de quelques expositions comme avec « éloge de l’aplomb » qui donne son titre à ce recueil . Philippe Forest raconte alors comment il est devenu ce critique qu’on admire à notre tour, 20 ans plus tard. En effet, il ne s’agit pas de faire de l’histoire de l’art, ou pas au premier abord. « devant un texte ou un tableau, le lecteur, le spectateur se met à rêver et ne peut rendre compte de l’expérience qu’il connaît autrement qu’en relatant le songe qui a été le sien, duquel il doute et en lequel il croit à la fois, exerçant cependant sur lui son esprit critique. Autant dire que parler d’une œuvre revient fatalement à faire de celle-ci une sorte de fiction.  (…) car une fiction, même fausse, absurde et incohérente, peut permettre d’établir une vérité – qui, de la fiction dont elle naît, apportera ainsi la preuve qu’elle était nécessaire ». Philippe Forest suit en cela les conseils de nombreux autres critiques, parmi les plus grands qui, comme Diderot autrefois, crée une œuvre pour parler des œuvres qu’ils admirent. L’exemple qu’il prend pour expliquer sa façon d’envisager la critique d’art , celui d’Histoire(s) du cinéma de Godard est éclairant, comme aussi son dernier texte qui donne « quelques conseils à l’intention des romanciers auxquels on propose d’écrire sur la peinture ». Il ne s’agit pas avant tout de dire vrai, mais de rendre vivantes les œuvres dont il parle. Ce recueil est aussi important pour la place particulière de son auteur dans le monde actuel. Philippe Forest n’est en effet ni un avant-gardiste pur et dur, ni un réac qui bondit dès qu’on parle d’art contemporain. Il regarde simplement les œuvres et invente un regard.

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